Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/643

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nous ont même dit que nous en serions étonnés (c’étaient les deux municipaux qui avaient levé les scellés) . — Monsieur, je brûle de vous l’ouvrir ; et le voici. « Je prends, l’une après l’autre, toutes li - [u’on vient de lire. Je o’étais pasà la moitié. que M. Panis s’écria : - Messieurs, c’est put ’ Ne vous semble-t-il pas ainsi ?» Tout le bureau s’écria : ■ C’est pur ! Allons, monsieur, c’est bien assez : il 5 a quelque horreur là-dessous. Il faut donner à M. Beaumarchais une attestation honorable é son I à sa pureté, et lui faire des excuses des qu’on lui a causés, dont la faute est au temps qui court, » UnM. Berchères, secrétaire, dont les regards bienveillants me consolaient cl me touchaient, écrivait cette, attestation, lorsqu’un petit homme aux cheveux noirs, au nez busqué, à lamine effroyable, vint, parla bas au président . Vous le dirai-je, ô mes lecteurs ? c’était le grand, . en un mot, le clément Marat.

Il sort. M. Panis, en se frottant la tête avec quelque embarras, me dit : «J’en suis bien désolé, monsieur, mais je ne puis vous mettre en liberté’. Il y a une nouvelle dénonciation contre mois. — Dites-la-moi, monsieur, je 1 ! l’instant.

— Je ne le puis : il ne faudrait qu’un mol, un seul geste de vous à quelques-uns de vos amis qui vous attendent là dehors, pour détruire l’effet de la recherche qu’on va l’aire. — Monsieur le /t. ; «dent, qu’on rem ..-je me constitue prisonnier dans votre bureau jusqu’à la recheri lie finie : peut-être donnerai-je les moyens de la raccourcir. Dites-moi de quoi il s’agit. » Il prit l’avis de ces messieurs, et, apr exige ma parole d’honneur que je resterais au bureau et n’y parlerais à personne jusqu’à ce qu’ils revinssent tous, il me dit : «Vous avez envoyé cing ni’dh s ’li’ papiers suspects chez une présidente, rue Saint-Louis, au Marais, n° 15 ; l’ordre est donné de les aller chercher. — Messieurs, leur dis-je, écoutez ma réponse.

«Je donne aux pauvres avec plaisir tout ce qu’on trouvera dans les cinq malles que l’on indique, et ma tête répond de ce qu’on y verra de suspect, ou plutôt recevez ma déclaration qu’il n’y a aucune malle à moi dans la maison que vous citez. Seulement un ballot existe dans la maison d’un de mes amis, rue des Trois- Pavillons : ce sonl ’les titres de propriétés, que j’avais fait sauver sur l’avis d’un pillage qui devait se faire chez moi la nuit du 9 au 10 août, et dont j’ai donné connaissance par une lettre à M. Péthion. Pendant qu’on cherche les cinq malles, faites chercher aussi mon ballot, sur cet ordre que je donne au domestique de mon ami de le livrer ; vous l’examinerez aussi : une autre malle de papiers et de vieux régi été volée le jour même que ce ballot sortit de ma maison ; faites-la tambouriner, messieurs : je ne saurais aller plus loin. »

Tout cela fut exécuté. L’attestation me fut donnée il signée •/■ tous ces messieurs, sauf l’examen des malles et du ballot.

Ces messieurs s’en furent dîner, pour revenir à l’arrivée des malles ; et moi je restai prisonnier dans le bureau. avec un seul commis à qui la garde était confiée.

Comme ils allaient sortir, un homme très-échauffé, portant écharpe, entra, et dit qu’t7 avait dans sa main des preuves de mp. trahison, de l’a ffrt n.r ih ssi m aii j’i tais de livrer soixante mille fusils, qu’on m’avait bien’ pavés, aux ennemis tic la patrie.

!1 était comme un forcené sur ce qu’on i 

nait une attestation du contraire. Celait M.Colmar, l’affilié de mes Autrichiens, ’le plus mon dénonciateur. « Vous voyez bien, messieurs, leur dis-je froidement, que monsieur ne sait pan un moi de l’affaire dont il vous parle. V est l’écho de Larcher et de Constantini. » Il m’injuria, me disant qm mon ’"«  1 le veux bien, lui dis-je, pourvu que vous ne soyez pas mon juge ! >i

Ils sortirent. Je restai là, réfléchissant bien tristement sur la bizarrerie de mon sort. Mon ballot arriva, mais nulle nouvelle des cinq malles ! Que vous dirai-je enfin, Français qui me lisez ? Je restai

! sans que personne y ri i int. 

Le garçon de bureau, en allant se coucher, me dil qu’i7 ne pouvait me laisser seul dans le bureau In nuit. Il me remit debout dans mon obscur couloir : sans la pitié d’un domestique qui me jeta un matelas par terre, j’y semis mort de fatigue et d’horreur.

Au bout de trente-deux heures, personne n’étant revenu, des officiers municipaux, touchés de compassion, s’assemblèrent et me dirent : « M. Panis »ie revient point, ? eut-être est-il incommodé En visitant les malles chez cette présidente, où l’on en a trouvé huit ou neuf, on a vu que c’étaient les guenilles de religi uses a qui elle a donné retraite. Nous savons que vous êtes innocent de loiiles les choses qu’on vous impute. En attendant que le bureau revienne, nous allons, par pitié, vous envoyer coucher chez vous. Demain matin on visitera votre ballot , et vous aurez une attestation bien complète, u

Et moi je dis à mon domestique, qui pleurail : c Va me faire apprêter un bain ; il y a cinq nuits que je ne repose point. » IL court. On me renvoie, mais avec deux gendarmes qui devaient me garder la huit.

Le lendemain, je renvoyai l’un d’eux savoir si le but • m venail enfin de s’assembler pour me donner l’attestation promise. Il revint avec d’autn - gardes el l’ordre rigoureux de me conduire à l’Abbaye, nu secret, avec défense expresse de m’y laisser parler à personne du dehors, sans un ordre tar écrit de la municipalité. J’eus de la peine à retenir le désespoir de tout mon monde. Je le, consolai démon mieux ; et je fus conduit ni prison, où je me retrouvai aoe MM. d’Affry, Thierry, les Montmorin,