Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/675

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crût qu’elle doil obtempérer à la honteuse demande de Lebrun !

« Mais pardon de mon bavardage : mon voyage d’Angleterre vous dégagera de tout embarras à cet égard, si par hasard on vous le donne. Je n’ai besoin ni d’exempts ni d’archers pour me rendre à cette capitale infortunée, où tous les genres de désordre attendent que la Convention s’occupe enfin de nous donner des lois. On l’en empêche autant qu’on peut : et moi je lui demande, par une pétition très-forte, de garantir ma tête du poignard de mes assassins ; puis je pars sur-le-champ pour la soumettre au fer des lois, auquel seul je la dois, si j’ai les torts qu’on me reproche.

« Recevez les salutations respectueuses du citoyen le plus persécuté.

« Signé Caron Beaumarchais. »

Certain alors, à n’en pouvoir douter, de l’horrible farce jouée, je rendis grâces au ciel de m’avoir encore préservé.

Mais, ne sachant plus où écrire à ma famille errante et désolée, je mis dans les journaux anglais la lettre à ma famille, qu’on a tant critiquée, et qu’on peut relire à présent (voyez les lettres). Les Français, si prompts à juger, ne la regarderont plus cornu.11 de ma part. On cessera de trouver indécent que j’y aie versé le mépris sur cett les fusils (ainsi que je la nomme), et que je me sois cru seulement i ur i <i nom i. aussi faux que terrible, d’une correspondance coupable, dit-on, arec Louis XVI. Sans cette explication, que je donnai moi-même à l’empressement d’un oyé jour et nuit par Lebrun pour me garrotter en Holland ner en France avec scandale, de brigade en gendarmerie, jusqu’à la catastrophe horrible qui m’eût enterré je ne sais où, quel homme aurait pu croire à l’aveugle rage des ministres ? Eh bien ! c’était là leur projet ! On me le mandait de Paris. Le ministre Lebrun, qui sait mieux que personne combien les gazetiers sont bavards, craignant avec raison qu’ils n’eussent divulgué le l’ait de mon arrestation, se hâta d’envoyer son courrier à la Haye, pour jouir de la volupté d’être le premier à me l’apprendre. Mais, heureusement pour les hommes, l’art de deviner les méchants fait autant de progrès que leur art de se déguiser. Se veillais pendant qu’il veillait ; et mes amis veillaient autour de lui sans qu’il pût s’en douter, malgré ses hauts talents pour nuire. Voyant que j’avais la vie sauve, tout prétexte a semblé si bon pour m’écraser dans ma fortune, qu’au jour où ma Lettre à ma femme parut dans les journaux anglais, changeant et de thèse et de plan sur cela seul que je datais de Londres, on a crié partout : Émigré ! émigré ! comme si un homme libre, ou auquel on le fait accroire, sorti de France avec un passe-port tel que celui qu’on peut lire en note ■ ; so

de la Franc* car c’est là le., quoiqu’au fait il n’en ait aucun.’, devenail [u’il jiasse, pour affaires, de la B él ranger, à Londres, pays étranger ! Nous venez, citoyen, de la voir dans tous ses détails, cette superbe mission que le ministre Lebrun, usant de mes lumières, de mes talents, de mon expérience, m’avait donnée chez l’étranger. Vous savez maintenant que celte missii celle d’y aller attendre qu’on profitât dt mo pour élever un • contre moi, dont la présence avait déjoué pendant six mois tous leurs projets, moi qu’ils nommaient dans leur fureur un i rai volcan d’activitt !

Et le grand balayeur Thainville, nouvel envoyé à la Haye où il fait d’excellent ouvrage ; qui avait balayé (pour me servir de sa noble expression) toute la boutique de Maulde : de cela seul que je ne m’étais pas aussi laisse balayer de son fait, dans un passe-port qu’il donnait à mou pauvre valet malade, m’appelait, de sa grâce, fugitif émigré ! .Mais fugitif de quoi’? fugitif * Thainville ? Le beau motif pour sortir de la Haye ! Emigré d’où ? de la Hollande.’Mais ce pays, monsieur, n’appartenait pas à la France. Èmigrer (dans notri i ; happer d< l intêi ù ur à l’i i teneur en coupable ou en fugitif, et non passer très-librement"’ci à l’extérieur ? Et sur ce cri fatal : Émigré ! émigré ! v met chez moi scellé, double ible gardien, rdien, et qu’avec un raffinement de cruauté de cannibale, un homme pi, tien du bon ordre choisit exprès l’horrible nuit pour venir avec des soldats croiser des scellés di et faire expirer de terreur la femme et la celui qu’on n’a pas pu assassiner, et qu’il insultait lâchement, comme tous les hommes vils le font quand ils se croient les plus loris ! Qu’importe si j’ai tort ou non sur l’atroce affaire des fusils ? N’est-il pas clair que je suis émigré, puisque sur des avis pressants je suis allé de la HoUandt à Lon. LIBERTÉ-ÉGALITÉ.

AU NOM DE LA NATION.

A tous officiers civils et militaires chargés de maintenir l’ordre public dans les quatre-vingt-trois départements, et de fait le nom français chez l’étranger : laissez passer librement Pierre-Augustin Caron— Beaumarchais, âgé de soixante ans. figure pleine, yeux et sourcils bruns, nez bien fait, cheveux châtains rares, bouche grande, menton ordinaire, double, taille de cinq pieds cinq pouces, allant à la Haye en Hollande, avec son domestique, cl mission du gouvernement.

A Paris, le IS septembre 1792, l’an IV de la libcrl.

Le conseil exécutif provisoire,

Signé Lebrun, Dantok, J. Servan, Claviers. Par le conseil exéculif provisoire, Signé Gkouvelle, sec

Vu à la municipalité du Havre, le —. 1792, l’an premier de la république française.

Signé Rialle, maire.