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COMPTE RENDU.

Paris, le 21 août 1780

« Vous ne m’avez point encore remis, monsieur, le mémoire que vous m’avez annoncé il y a plus d’un mois, et que vous paraissiez disposé à me remettre incessamment. Je l’attends avec d’autant plus d’impatience, que l’intention du roi est de ne pas différer de prendre un parti sur l’objet dont il s’agit.

« Je suis très-parfaitement, monsieur, votre, etc.

« Signé Amelot. »

J’ai eu l’honneur de lui répondre en ces termes :

« Monsieur,

« Recevez avec bonté les actions de grâces de tous les gens de lettres ; il ne pouvait leur être annoncé rien de plus heureux que l’intention où est S. M. de prononcer enfin sur le différend qui, depuis trente ans, subsiste entre eux et les comédiens français.

« De ma part, je serais inexcusable si j’avais mis le plus léger retard volontaire dans la rédaction du mémoire auquel je me suis engagé pour eux, puisque vous avez la bonté de suspendre l’examen et le rapport de l’affaire jusqu’à cette instruction indispensable. Mais, monsieur, il est impossible que vous vous fassiez une idée de l’excès où l’on s’est porté contre moi dans le récit calomnieux que les comédiens, leurs conseils et leurs amis, ont fait à tout le monde de ma prétendue audace au sujet du dernier arrêt du conseil.

« Me voilà donc, monsieur, engagé solennellement à prouver l’honnêteté de ma conduite, ou à rester courbé sous l’imputation d’une odieuse calomnie !

« Depuis ce jour, mes confrères, instruits de ce qui se passait, ont exigé de moi qu’au lieu d’une discussion simple des articles de l’arrêt du 12 mai, sur les droits des auteurs, que j’avais faite avec soin, je rendisse un compte public de l'affaire entière, appuyé de toutes les pièces justificatives, ainsi que de ma conduite et de la leur, si méchamment calomniées. J’ai donc été obligé de refondre mon ouvrage, et il est devenu plus long. M. le maréchal de Richelieu m’en demande un exemplaire pour chacun de MM. les premiers gentilshommes de la chambre.

« Il en faut un à chaque ministre du roi : nous désirons même que les comédiens et leurs conseils en soient pourvus ; car aujourd’hui, non-seulement les auteurs sont au point de supplier le roi de vouloir bien nous donner une loi qui fixe enfin leur sort au théâtre, mais aussi de demander à S. M. justice des indignités auxquelles la discussion de cette affaire vient de les exposer : ce que je vais faire en leur nom, si vous l’approuvez, monsieur, par une requête au roi, à laquelle le compte rendu que je viens de terminer, et qui sera signé samedi par tous les auteurs, servira de preuve et d’appui ; et si le roi le permet, l’authenticité, la fidélité reconnue de l’arrêt du 12 mai 1780, tel que je l’ai fait signer, remplira le premier objet de sa justice ; et la publicité de notre mémoire apologétique et modéré sera la seule peine infligée à nos calomniateurs, pour remplir le second.

« Je suis, etc.

« Caron de Beaumarchais. »

J’ai fait écrire ensuite à tous mes confrères et constituants, pour les prier de s’assembler (liez moi aujourd’hui samedi 26 août 1780. Vous m’avez tous fait l’honneur de vous y rendre ; car c’est à vous, messieurs, que j’ai l’honneur de parler, et à qui j’ai dû d’à lu in I présenter le compte de l’affaire entière dont vous aviez confié le soin à MM. Saurin, Marmontel, Sedaim et moi, en qualité de vos commissaires et représentants.. Toutes les pièces justificatives sont sous vos yeux ; il vous reste à délibérer sur le fond, la forme et le contenu de ce récit ; à l’approuver et le signer tous, si vous le tri une/ ; exact et modéré ; vous arrêterez ensuite sous quelle forme il doit être remis aux ministres du roi, soit comme instruction pure et simple de l’affaire à juger par le conseil, soit pour vous servir de mémoire et d’appui à une requête au roi, par laquelle vous supplierez S. M. de fixer, dans une loi émanée du trône, le sort et l’état de la littérature française dans tous ses rapports forcés avec la Comédie. Et ont signé : Caron de Beaumarchais, Sedainc, Marmontel, Barthe, Rousseau, Ulin de Sainmore, Favart, Cailhava, Sam igny, Gudin de la Br< n< Ut > ie, Leblanc, Laplace, Lucis, Chamfort, la Harpe, Lena : n,. Rochon dt Chabannes, h / ; vre.

Mais, avant que vous preniez un dernier parti, messieurs, sur l’usage que vous devez faire de ce compte rendu, je dois vous communiquer une seconde lettre de M. Amelot, en réponse à la mienne, par laquelle vous connaîtrez l’intention où est S. M. de vous faire justice, en vous recommandant d’oublier le ressentiment des injures, et de renoncer à la publication de vos défenses jusqu’à nouvel ordre. Voici la lettre du ministre :

Versailles, ce 25 août 1780.

J’ai, monsieur, communiqué à M. le comte de Maurepas la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire le 23. Nous pensons tous deux que vos plaintes concernant les discours tenus à M. le maréchal de Richelieu ne doivent point être confondues avec les objets sur lesquels S. M. est dans l’intention de prononcer ; que ces plaintes sont un incident étranger à l’affaire principale ; et qu’il serait d’autant plus inutile d’en faire la matière d’une requête, qu’il ne s’agit au fond