Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/858

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ne lui serait étranger, rien d’indigne de son attention.

Nouveaux moyens de fabriquer, manière d’entretenir les chemins à moins de frais, commerce, marine, agriculture surtout ; il alimenterait perpétuellement l’Espagne des découvertes, en tout genre, qu’il ferait dans le pays de sa résidence. Sa correspondance avec tous les consuls d’Espagne dans les villes maritimes le mettrait au courant de toutes les entreprises dont les projets sortent, ou viennent se résoudre à la capitale. Il ferait un résumé certain de toutes les opérations du pays, dont il instruirait ponctuellement sa cour. Mais il n’y a ni ambassadeur, ni secrétaire d’ambassade qui puisse être chargé de cet important détail ; il demande une constante résidence, une connaissance parfaite du local, et une facilité d’opération que la longue habitude d’un pays peut seule donner.

Art. 11. — Cependant cet homme si nécessaire, ce préposé, cet agent, ce consul, pourrait exister, sans qu’il en coulât beaucoup à l’Espagne. Il ne s’agirait pour cela que de ne point envoyer de secrétaire d’ambassade à la cour où il serait établi. Il en épargnerait les frais et, sans nuire à sa mission particulière, il en remplirait les fonctions d’une manière bien autrement intéressante qu’un nouveau venu, souvent rappelé avant qu’il ait eu le temps de connaître les moindres parties nécessaires à son état. J’espère, madame, que vous trouverez ceci assez bien prouvé pour qu’il ne soit pas besoin d’en faire une plus ample explication.

Art. 12. — Au reste, si j’ai choisi pour exemple dans ce mémoire la branche des manufactures, c’est parce qu’elles tiennent le milieu entre l’agriculture dont elles sont filles, et le commerce dont elles sont mères. Les manufactures décuplent, au moins, la valeur des biens que l’agriculture n’avait donne ? que simples, et ceux qui mit avancé que l’Espagne devait s’en tenir au commerce des matières premières, sans s’embarrasser des manufactures, "ut dit une sottise, trop démontrée par la conduite des étrangers qui trouvent un grand bénéficeà rapporter eu Espagne les marchandises fabriquées chez eux avec des matières premières tirées d’Espagne même. Ou si les doubles droits de sortie d’Espagne, d’entrée chez eux ; ceux qu’ils payent en resortant de leur pays et en rentrant ces marchandises en Espagne, les frai ? de fabrique, de transport, de voyage, les risques, les assurances, leur laissent encore un gain considérable : que serait-ce donc de celui que pourraient faire les Espagnols, s’ils fabriquaient eux-mêmes leurs matières ? Les bras l benl île surprise de voir répandre pareilles maximes : propos dignes de mépris s’ils sont le fruit de l’ignorance, et qui méritent punition si la mauvaise foi les enfante. Art. 13. — Les manufactures sont la source la plus abondante des commerces intérieur et extérieur. Elles doivent être surtout la mère-nourrice du commerce de l’Espagne avec ses colonie ? îles Indes, lesquelles ? onl a son etianl ce. j 1 1 — ■ ce royaume est à l’égard des autres peuples de l’Europe. Elles n’ont à lui offrir que de l’or, et malheureusement l’Espagne a été jusqu’à présent dans la dure nécessité d’en laisser passer en droiture la plus grande part aux étrangers, faute de pouvoir approvisionner elle-même ses colonies du produit de ses manufactures.

Art. 14. — Mais, si mes lumières ne me (rompent pas, ces maux n’affligeront pas l’Espagne encore longtemps. Les étrangers non : déjà plus le droit de se réjouir de l’ignorance où cette nation semble plongée sur ses vrais intérêts. Quand le génie veille et travaille, il ne le fait jamais sans fruit. Vous riez, sans doute, Madame, de l’air prophétique que je viens de prendre ; mais je m’assure que vous serez de mon avis lorsque je vous aurai dit mon secret qui n’en est point un. Nous savez que je suis chargé par une compagnie française de proposer au gouvernement cLEspagne de lui fortifier, garder, peupler la l.oui ? iaue, et que je lui demande en forme de dédommagement la préférence de la fourniture des nègres de toutes les colonies espagnoles. Ces propositions ne m’ont mis à même d’entretenir encore qu’un des ministres du roi, qui est celui des affaires étrangères. Mais lorsque, entre autres choses lumineuses, je lui ai entendu articuler que ce n’est plus le temps de fermer Venlrà des Indes espagnoles aux cohiis de toutes les nations quivoudraient s’y établir, paire que les étrangers ayant trouvé moyen d’attirer à eux, en mille manières, l’or du Pérou et du Mexique, laprécaution de n’y souffrir qui des indigènes, utile dans les premiers temps, est devenue peniieiruse a /’Espagne tlvut les vues doivent changer avec l’état et les spéculations d( ses voisins ; j’ai dit en moi-même : Voici un homme de génie, il touche du doigt les véritables causes d’un mal trop longtemps subsistant ; avec d’aussi grandes vues, un pareil homme est à sa place dans le ministère. Une autre fois, en parlant de l’énorme contrebande qui se fait aux Indes, je compris fort bien, quoiqu’il s’enveloppa I davantage, qu’il sentait lui-même l’impossibilité de l’empêcher jamais autrement que par l’abondance des approvisionnements lires de l’Espagne et par la concurrence de la modicité des prix avec ceux de l’étranger. Je me confirmai dans l’opinion que j’avais déjà prise dugénie et del’étendue des lumières de cet homme qui mérite bien d’être secondé. Et voilà d’où ma prophétie est partie.

Maisn’est-il pas temps que je m’arrête, Madame ? Je m’aperçois que je vous ferais un livre au lieu de l’extrait d’une conversation que vous m’avez demandé, si je m’enfonçais dans de plus longs détails. Agriculture, manufactures et commerce ;