Il s’est retiré bien tard cette nuit !
Ils ont longtemps jasé. Mon père se plaignait à lui des fermiers généraux, qui me refusent la survivance de sa place de receveur général des fermes.
Bien malhonnêtement, sans doute ?
Sous prétexte qu’ils l’ont donnée. « Voilà comme vous êtes, lui disait votre oncle. Ne demandant jamais, un autre sollicite ; il obtient le prix de vos longs services. » Mais savez-vous ce que j’ai pensé, Pauline ? c’est que si quelqu’un dans la compagnie nous a desservis, ce ne peut être que Saint-Alban.
Que vous êtes injuste ! J’ai vu tout ce qu’il a écrit en votre faveur.
On fait voir ce qu’on veut.
Vous vous plaisez bien à l’accuser.
Pas tant que vous à le défendre.
Vous m’impatientez. Depuis son départ, il faut donc se résoudre à voir toutes nos conversations rentrer dans celle-ci ?
Allons, la paix. — Ils ont ensuite parlé de votre établissement… du mien… Mon père m’a fait signe, je me suis retiré ; mais, en sortant, j’ai entendu qu’il disait un mot… Ah ! Pauline…
Eh bien ! monsieur.
Un certain mot…
Je ne suis pas curieuse. — Parlons de la petite fête que nous préparons à mon oncle, à l’occasion de ses lettres de noblesse : y songez-vous ?
J’ai tout arrangé dans ma tête. Nous commencerons par un concert ; peu de monde, nous et nos maîtres. Sur la fin, on viendra l’avertir qu’on le demande. Pendant son absence, un tapis, deux paravents feront l’affaire, et nous lui donnerons la plus jolie petite pièce…
Oh ! point de comédie.
Pourquoi ?
Vous connaissez la faiblesse de ma poitrine.
On ne crie pas la comédie, ce n’est qu’en parlant qu’on la joue bien. Figure charmante, organe flexible et touchant ! de l’âme surtout… que vous manque-t-il ? une jeune actrice se fait toujours assez entendre, lorsqu’elle a le talent de se faire écouter.
Oh ! ce n’est ni d’éloquence ni d’adresse qu’on vous accusera de manquer, pour ramener les gens à vos idées… Et les couplets que je vous ai demandés ?
Vous craignez qu’on ne les oublie, injuste Pauline !…
Essayons encore une pièce avant de m’habiller.
Volontiers.
Donnez-moi le nouveau livre.
Pourquoi ne pas suivre le même ?
Pour sortir un peu de l’ancien genre. Au reste, comme c’était uniquement pour vous…
Oui ! pour moi !
Voilà bien les ingrats ! cherchant toujours à diminuer l’obligation, pour n’être point tenus de la reconnaissance ! Cette musique n’est-elle pas plus piquante, plus variée ?
Piquante, variée, délicieuse ! C’est le beau Saint-Alban qui vous l’a choisie à Paris.
Et toujours Saint-Alban ! Vous êtes bien étrange ! Votre souverain bonheur serait que personne ne m’aimât !
Je ne serai donc jamais heureux.
Vous voudriez… qu’on ne pût me souffrir.
Je ne désire point l’impossible.
Hé ! il ne faudrait pas trop vous presser pour vous le faire avouer ingénument.
Non ; mais il est assez simple que je n’aime point un homme qui affiche des sentiments pour vous.
Pour le venger de cette humeur, vous accompagnerez sa favorite.
Oh ! non.
Vous me refusez ?