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Basile.

Adieu : nous serons tous ici à quatre heures.

Bartholo.

Pourquoi pas plus tôt ?

Basile.

Impossible ; le notaire est retenu.

Bartholo.

Pour un mariage ?

Basile.

Oui, chez le barbier Figaro ; c’est sa nièce qu’il marie.

Bartholo.

Sa nièce ? Il n’en a pas.

Basile.

Voilà ce qu’ils ont dit au notaire.

Bartholo.

Ce drôle est du complot : que diable !…

Basile.

Est-ce que vous penseriez…

Bartholo.

Ma foi, ces gens-là sont si alertes ! Tenez, mon ami, je ne suis pas tranquille. Retournez chez le notaire. Qu’il vienne ici sur-le-champ avec vous.

Basile.

Il pleut, il fait un temps du diable ; mais rien ne m’arrête pour vous servir. Que faites-vous donc ?

Bartholo.

Je vous reconduis ; n’ont-ils pas fait estropier tout mon monde par ce Figaro ! Je suis seul ici.

Basile.

J’ai ma lanterne.

Bartholo.

Tenez, Basile, voilà mon passe-partout ; je vous attends, je veille ; et vienne qui voudra, hors le notaire et vous, personne n’entrera de la nuit.

Basile.

Avec ces précautions, vous êtes sûr de votre fait.



Scène II

ROSINE, seule, sortant de sa chambre.

Il me semblait avoir entendu parler. Il est minuit sonné ; Lindor ne vient point ! Ce mauvais temps même était propre à le favoriser. Sûr de ne rencontrer personne… Ah ! Lindor ! si vous m’aviez trompée !… Quel bruit entends-je ?… dieux ! c’est mon tuteur. Rentrons.



Scène III

ROSINE, BARTHOLO.
Bartholo, tenant de la lumière.

Ah ! Rosine, puisque vous n’êtes pas encore rentrée dans votre appartement…

Rosine.

Je vais me retirer.

Bartholo.

Par le temps affreux qu’il fait, vous ne reposerez pas, et j’ai des choses très-pressées à vous dire.

Rosine.

Que me voulez-vous, monsieur ? n’est-ce donc pas assez d’être tourmentée le jour ?

Bartholo.

Rosine, écoutez-moi.

Rosine.

Demain je vous entendrai.

Bartholo.

Un moment, de grâce !

Rosine, à part.

S’il allait venir !

Bartholo lui montre sa lettre.

Connaissez-vous cette lettre ?

Rosine la reconnaît.

Ah ! grands dieux !…

Bartholo.

Mon intention, Rosine, n’est point de vous faire de reproches : à votre âge on peut s’égarer ; mais je suis votre ami, écoutez-moi.

Rosine.

Je n’en puis plus.

Bartholo.

Cette lettre que vous avez écrite au comte Almaviva…

Rosine, étonnée.

Au comte Almaviva ?

Bartholo.

Voyez quel homme affreux est ce comte : aussitôt qu’il l’a reçue, il en a fait trophée ; je la tiens d’une femme à qui il l’a sacrifiée.

Rosine.

Le comte Almaviva !…

Bartholo.

Vous avez peine à vous persuader cette horreur. L’inexpérience, Rosine, rend votre sexe confiant et crédule ; mais apprenez dans quel piège on vous attirait. Cette femme m’a fait donner avis de tout, apparemment pour écarter une rivale aussi dangereuse que vous. J’en frémis ! le plus abominable complot entre Almaviva, Figaro et cet Alonzo, cet élève supposé de Basile qui porte un autre nom et n’est que le vil agent du comte, allait vous entraîner dans un abîme dont rien n’eût pu vous tirer.

Rosine, accablée.

Quelle horreur !… quoi ! Lindor !… quoi ! ce jeune homme !…

Bartholo, à part.

Ah ! c’est Lindor !

Rosine.

C’est pour le comte Almaviva… c’est pour un autre…

Bartholo.

Voilà ce qu’on m’a dit, en me remettant votre lettre.