Ah ! ques-à-quo, Suzanne ? et voilà pour tes soupçons ; voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C’est-il ça de l’amour ? Dis donc comme ce matin ?
Santa Barbara ! oui, c’est de l’amour. Ô bonheur ! ô délices ! ô cent fois heureux Figaro ! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m’auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l’homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.
Le plus fortuné ! Bon fripon, vous n’en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil, que, m’oubliant moi-même, en vérité, c’était pour elle que je cédais.
Ai-je pu me méprendre au son de ta jolie voix ?
Tu m’as reconnue ? Ah ! comme je m’en vengerai !
Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin ! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui ; et comment cet habit qui m’abusait te montre enfin innocente…
Eh ! c’est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piége apprêté pour un autre ! Est-ce notre faute, à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux ?
Qui donc prend l’autre ?
Sa femme.
Sa femme ?
Sa femme.
Ah ! Figaro ! pends-toi : tu n’as pas deviné celui-là. — Sa femme ? Ô douze ou quinze mille fois spirituelles femelles ! — Ainsi les baisers de cette salle ?
Ont été donnés à madame.
Et celui du page ?
À monsieur.
Et tantôt, derrière le fauteuil ?
À personne.
En êtes-vous sûre ?
Il pleut des soufflets, Figaro.
Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du comte était de bonne guerre.
Allons, superbe, humilie-toi !
Cela est juste : à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
Ah ! ce pauvre comte ! quelle peine il s’est donnée !…
… Pour faire la conquête de sa femme !
Scène IX
Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.
C’est lui.
Suzon, es-tu là dedans ?
Il la cherche, et moi je croyais…
Il ne l’a pas reconnue.
Achevons-le, veux-tu ?
Un homme aux pieds de la comtesse !… Ah ! je suis sans armes.
Pardon, madame, si je n’ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.
C’est l’homme du cabinet de ce matin.
Mais il ne sera pas dit qu’un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.
Massacre ! mort ! enfer !
(Bas.) Il jure. (Haut.) Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu’on nous a fait tantôt, quand j’ai sauté par la fenêtre.
Ah ! tout se découvre enfin.
Avant d’entrer, voyez si personne n’a suivi.