Tu n’es pas mal bourru non plus !
Comme son autre fils paraît lui devenir odieux !…
Que trop !
Comme Madame est malheureuse !…
C’est un grand crime qu’il commet !
Comme il redouble de tendresse pour sa pupille Florestine ! comme il fait surtout des efforts pour dénaturer sa fortune !
Sais-tu, mon pauvre Figaro, que tu commences à radoter ? Si je sais tout cela, qu’est-il besoin de me le dire ?
Encore faut-il bien s’expliquer pour s’assurer que l’on s’entend ! N’est-il pas avéré pour nous que cet astucieux Irlandais, le fléau de cette famille, après avoir chiffré, comme secrétaire, quelques ambassades auprès du comte, s’est emparé de leurs secrets à tous ? que ce profond machinateur a su les entraîner, de l’indolente Espagne, en ce pays remué de fond en comble, espérant y mieux profiter de la désunion où ils vivent, pour séparer le mari de la femme, épouser la pupille, et envahir les biens d’une maison qui se délabre ?
Enfin, moi, que puis-je à cela ?
Ne jamais le perdre de vue, me mettre au cours de ses démarches…
Mais je te rends tout ce qu’il dit.
Oh ! ce qu’il dit… n’est que ce qu’il veut dire ! Mais saisir, en parlant, les mots qui lui échappent, le moindre geste, un mouvement, c’est là qu’est le secret de l’âme ! Il se trame ici quelque horreur. Il faut qu’il s’en croie assuré, car je lui trouve un air… plus faux, plus perfide et plus fat ; cet air des sots de ce pays, triomphant avant le succès ! Ne peux-tu être aussi perfide que lui ? l’amadouer, le bercer d’espoir ? quoi qu’il demande, ne pas le refuser ?…
C’est beaucoup !
Tout est bien, et tout marche au but, si j’en suis promptement instruit.
… Et si j’en instruis ma maîtresse ?
Il n’est pas temps encore ; ils sont tous subjugués par lui. On ne te croirait pas : tu nous perdrais sans les sauver. Suis-le partout, comme son ombre… et moi, je l’épie au dehors…
Mon ami, je t’ai dit qu’il se défie de moi ; et s’il nous surprenait ensemble… Le voilà qui descend… Ferme !… ayons l’air de quereller bien fort.
Moi, je ne le veux pas ! Que je t’y prenne une autre fois !…
Certes !… Oui, je te crains beaucoup !
Ah ! tu me crains !… Tiens, insolente !
Des coups à moi… chez ma maîtresse !
Scène III
Eh ! mais quel bruit ! Depuis une heure j’entends disputer de chez moi…
Depuis une heure !
Je sors, je trouve une femme éplorée…
Le malheureux lève la main sur moi !
Ah ! l’horreur, Monsieur Figaro ! Un galant homme a-t-il jamais frappé une personne de l’autre sexe ?
Eh, morbleu ! monsieur, laissez-nous ! je ne suis point un galant homme ; et cette femme n’est point une personne de l’autre sexe ; elle est ma femme, une insolente qui se mêle dans des intrigues, et qui croit pouvoir me braver, parce qu’elle a ici des gens qui la soutiennent. Ah ! j’entends la morigéner…
Est-on brutal à cet excès ?
Monsieur, si je prends un arbitre de mes procédés envers elle, ce sera moins vous que tout autre ; et vous savez trop bien pourquoi !
Vous me manquez, monsieur ! je vais m’en plaindre à votre maître.
Vous manquer ! moi ? c’est impossible.
(Il sort.)
Scène IV
Mon enfant, je n’en reviens point. Quel est donc le sujet de son emportement ?