Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/462

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de mes héritiers ; ce qui ne manquerait pas de lui arriver, s’ils me succédaient un jour dans cette association, comme le porte l’article iv de u notre traité de société ; mais pour le dédommager de l’appui qu’il perd aujourd’hui pour la suite d’une affaire dans laquelle je l’ai engagé, et qui devient lourde et dangereuse, je lui tiens compte des huit mille livres convenues pourl’intérêt des soixante-quinze mille livres qui ont dû courir jusqu’à ce jour pour mon compte, et je promets et m’engage de lui fournir en forme de prêt, d’ici à la fin de la présente année, la même somme de soixante-quinze mille livres, pour l’aider à faire les nouveaux fonds que l’affaire exige, desquelles soixante-quinze mille livres je ne recevrai point d’intérêt pendant huit ans (que peut durer encore l’entreprise), du jour du prêt ; lequel terme expiré, ils me seront remboursés par lui, ou, en cas de mort, à mon neveu Pâris de Mézieux, son ami, que j’en gratifie ; et si mondit sieur de Beaumarchais aime mieux alors en passer contrat de constitution à quatre pour cent que de rembourser, il en sera le maître. »

Cet article est si étendu, si net, qu’il porte avec lui son commentaire. Une seule réflexion me saisit en lisant les précautions que M. Duverney a cru prendre ici contre les maux qu’il prévoyait dans l’avenir.

Ô prudence humaine ! de quel poids es-tu sur les événements ? Le plus sage des hommes, alarmé pour moi de la haine de son légataire, me force à résilier une société avantageuse pour que j’en aie jamais de querelle avec cet homme ; et cette résiliation même est un des points d’appui du plus exécrable procès de la part de ce légataire ! Ô prudence humaine !

Au reste, les plaidoyers de mon adversaire sur cette transaction, ainsi que sur tous les autres articles de cet acte, n’ont jamais été qu’une négation formelle, un démenti, une accusation de dol, de fraude et de lésion énormissime.

Mais après la mort de votre bienfaiteur, vous avez écrit à Beaumarchais que vous ne saviez rien des affaires qui avaient été entre lui et votre bienfaiteur : dans tous les temps vous avez plaidé que vous n’aviez trouvé dans les papiers de ce même bienfaiteur aucun renseignement pour ou contre le titre qu’on vous oppose ; et vous soutenez que ce titre et les choses qu’il contient ne sont que des chimères !

Ô monsieur le comte ! cette persuasion obscure, ce puissant motif de croire sans preuve, admis peut-être en d’autres cas, est une monnaie qui n’a pas cours en justice ; on y oppose les actes aux actes, les lettres aux lettres, les raisons aux raisons, et le dédain aux injures. Quand je dis le dédain aux injures, je parle de l’effet qu’elles produisent sur l’esprit des juges : car l’homme outragé n’en a pas moins droit à des réparations authentiques, et je les ai toujours réclamées.

ARTICLE X.

Toujours M. Duvemey.

« Et pour faire la balance juste de notre compte, je me reconnais son débiteur de la somme de vingt-trois mille livres, que je lui payerai, à sa volonté sans qu’il soit besoin d’autre titre que le présent engagement. »

Cet article est-il clair ? est-ce une illusion ? est-ce une fausse apparence, qu’un acte où le reliquat du compte est fixé par sa somme, avec obligation expresse de l’acquitter à volonté, sans qu’il soit besoin d’autre titre que le présent engagement ? Si un tel acte n’est plus sacré parmi les hommes, et s’il peut être arbitrairement annulé, tout est rompu, le lien social est brisé, plus de sûreté dans sa patrie ; il faut fuir aux pays où les propriétés sont au moins respectées.

Mais non, il faut rester en France, et rappeler seulement à ses juges que cet acte est reconnu, daté, signé par M. Duverney ; et que, tant que cette signature n’est pas entamée, il n’y a pas d’acte plus respectable en finance, en commerce ; et je prends, à ce sujet, la liberté de donner le plus ferme démenti à celui qui a osé imprimer que, dans quatre parères ou jugements sur cette affaire, émanés de quatre chambres du commerce de ce royaume, il y en a un qui ne décide pas le procès en ma faveur. Heureusement M. le rapporteur les a tous dans ses mains.

S’il est toléré quelquefois de raisonner faux, ô avocat, il est ordonné de toujours citer juste, ô honnête homme !

ARTICLE XI.

« Au moyen desquelles clauses ci-dessus énoncées, remise, par mondit sieur de Beaumarchais, de titres, papiers, reçus, billets au porteur, grosse du contrat de six mille livres de rente viagère, résiliation du traité sur les bois, reconnaissance de mes quittances, arrêté de compte, etc., je reconnais mondit sieur de Beaumarchais quitte de tout envers moi. »

Si le lecteur ennuyé n’a pas vingt fois jeté ce mémoire, et s’il a dévoré le dégoût de le lire jusqu’à cet article xi, je le supplie de relire encore une fois, non le mémoire, mais l’article, pour se bien pénétrer de la bonne foi, de la candeur avec laquelle mon adversaire a discuté cet acte.

En le relisant, je supplie en grâce le lecteur de se rappeler que le comte légataire n’a cessé de lui assurer « qu’aucune pièce justificative n’a été remise de ma part ; que l’acte en fait foi ; et que si le contrat de six mille livres de rente viagère a jamais existé, c’est à moi de le montrer, puisque je dois l’avoir dans mes mains. » Enfin, je supplie le lecteur de comparer des notions aussi infidèles avec cet article xi, destiné par M. Duverney