Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/547

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Lettre à M. le comte de Vergennes, en lui envoyant copie de ma lettre circulaire aux Chambres de Commerce.
Paris, le 28 mai 1782.
Monsieur le comte,

Je ne sais si vous approuverez une idée à laquelle je me suis livré avec joie. Si par malheur vous ne l’approuviez pas, il ne serait plus temps d’en arrêter l’effet : car je n’ai l’honneur de vous en faire part qu’après m’être assuré de son succès autant qu’il est en moi.

J’ai l’honneur de vous adresser la copie de ma lettre circulaire aux sept chambres de commerce maritime, en leur envoyant à chacune cent louis, comme j’en ai remis cent à un club de Paris, en tout huit cents louis, pour échauffer tous les cœurs, et porter ces villes à former des souscriptions qui puissent consoler au moins la France du terrible échec que M. de Grasse vient de lui lui faire éprouver.

Vous connaissez le très-respectueux dévouement avec lequel je suis,

Monsieur le comte,
Votre, etc.
Signé Caron de Beaumarchais.
Réponse de M. le comte de Vergennes à M. de Beaumarchais.

Je n’ai pas le droit, monsieur, d’approuver ; mais, comme citoyen, j’applaudis de tout mon cœur au sentiment énergique que vous communiquez à vos compatriotes. Je me flatte que votre exemple aura le plus grand succès dans nos villes de commerce ; elles ont assez profité dans le cours de cette guerre, et elles ont tant à espérer d’une paix équitable qui laisse à l’industrie tout son essor, que je ne puis imaginer qu’il y ait, dans la classe des négociants, des âmes assez froides pour se refuser à votre proposition. Quelque succès que puisse avoir votre démarche, elle n’en fait pas moins d’honneur à votre zèle, et c’est avec bien de la satisfaction que je vous en fais mon compliment.

Je suis très-parfaitement, monsieur, votre, etc.

Signé de Vergennes.
À Versailles, ce 29 mai 1782.

Je copie au hasard une des sept réponses des chambres de commerce. Elle suffit pour rappeler de quel feu tous les cœurs français furent embrasés au même instant.

e la chambre d ■ du paijs il’i unis à M. ■/, lirii, i !, i, u-i : /tais. Monsieur,

La Rochelle, le iOjuii

ivons reçu la lettre que vous nous avez fait l’honneur de nous écrire le 28 du mois dérider, par laquelle vous nous invitez à ouvrir une souscription à delà capitale, afin de contribuer à réparer la perte que la marine du roi vient d’éprouver, et vous monsieur, y être compris pour cent louis. Nous sommes très-flattés que vous nous adressiez en particuentiments dont vous êtes animé pour le prince et pour la patrie, et de ce que vous nous mettez à même « l’en consigner les preuves dans les registres de notre chambre. Aussitôt que le commerce de la Rochelle aura pris un parti, nous remplirons votre commission, monsieur, avec d’autant plus déplaisir qu’elle deviendra un titre pour vou considérer parmi les citoyens de cette ville.

ms l honneur d être très-véritablement, Monsieur,

Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs. Les directeurs et yndics de la chambre de lerce du pays d Aunis.

Signé Denis, Jacques (Iuiuert, Lechelle, . GlIlAUDEAU.

Toutes ces pièces et les suivantes vont être mises au greffe, en original, non pour ma justification (je ne suis il moi qui poursuis, mai • p ■ qu’une e de. qui ne subsi ; te que par la vente des infamies qu’elle fait imprimer, soit punie, et que ces écrits excitentla vindicte publique, que les outrages particulier, laissent trop souvent à la glace. Attaque lâchement sur tous les instants de ma vie, j’espère qu’on me pardonnera i, dans cette occasion je soulève un coin du rideau. Un honnête homme ne doit parler de lui qu’à la dernière extrémité : ce moment est venu pour moi. Articulons un autre lait. Au mois de novembre 1782, M. le cuite d’Estaing (on peut bien s’honorer d’un si noble témoignage), M. le comte d’Estaing avait assez présumé de mon zèle pour me croire digne de l’aidera remplir une importante mission du roi, tendante à rapprocher la marine du commerce, uivant le bon système anglais. La lettre de Sa Majesté à M. le vice-amiral était conçue ainsi :

Lettre du Roi à M. le comte d’Estaing.

« Mons le comte d’Estaing, je vous ai choisi pour aller faire entendre, en mon nom, à la place de commerce de Bordeaux, la satisfaction que j’ai de la fidélité et de l’attachement que les négociants de mon royaume se sont empressés de me donner 1 : j’attends d’eux une nouvelle marque de leur zèle ; vous leur demanderez de vous indiquer ceux d’entre les officiers marchands, employés sur leurs bâtiments, qui leur paraîtront pouvoir contribuer à soutenir la dignité de mon pavillon et la prospérité de mes armes, dans une guerre dont l’avantage de mes sujets et la liberté du commerce sont l’unique objet. Je vous autorise à promettre en mon nom, à tous les officiers marchands qui vous seront présentés, et que vous reconnaîtrez susceptibles des fonctions auxquelles je les destine, un état permanent, honorable, et tous les avantages de distinction que doivent attendre de leur patrie ceux qui se sacrifient pour elle. Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait, mons le comte d’Estaing, en sa sainte garde.

« Écrit, à Versailles, le 20 octobre 1782.

« Signé LOUIS.

« Signé Castries.

M. le comte d’Estaing m’écrivit à Bordeaux ; je l’y attendais ; il arrive, me dit son plan ; mon cœur s’enflamme ; je rassemble à l’instant l’élite de nos négociants, je propose une souscription pour commencer cette grande entreprise ; j’y mets le premier cinq cents louis ; en deux heures j’ai trente signatures, et la somme de cent mille écus. La présence de M. le comte d’Estaing avait enflammé tous les cœurs 2.

Forcé de se rendre à Cadix, M. le comte d’Estaing me

1 À l’occasion des vaisseaux dont je viens de parler.

Je ne puis me refuser au plaisir de faire connaître à la France.