Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/606

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ne nous manqueront pas ; mais M. Gorsas le feuilliste vous tranchera cette question. De Graves, dira-t-il, Dumouriez, Lajard et Chambonas, il est clair que Beaumarchais les a tous achetés comptant.

J’ai sans doute acheté depuis deux comités plus sévères que les premiers, militaire et des armes réunis, lorsqu’en septembre dernier, outré de ce qui m’arrivait chez le pouvoir exécutif, je présentai une pétition pressante à l’Assemblée nationale, lui demandant en grâce de faire examiner très-sévèrement ma conduite dans l’affaire de ces fusils ; offrant et ma tête et mes biens, si ma conduite était seulement équivoque. J’en ai donc acheté tous les membres, quand, renvoyé par l’assemblée à ces comités réunis, pour être jugé sévèrement, après m’avoir bien entendu, pièces sur le bureau, pendant près de quatre heures, ils déclarèrent, et le signèrent tous, que non-seulement j’étais très-pur dans cette interminable affaire, pour laquelle j'avais fait des efforts d’un patriotisme incroyable, mais que je méritais la reconnaissance de la nation. Cette attestation-là m’a dû coûter un peu d’argent.

toyens suspectés se sont sauvés hors de la France, et je ne puis les blâmer : car qui veut braver le péril d’être tué sans être jugé ?

Quant à moi, citoyens, à qui une vie si troublée est devenue enfin à charge ; moi qui, en vertu de la liberté que j’ai acquise par la révolution, me suis vu près vingt fois d’être incendié, lanterné, massacré ; qui ai subi en quatre années quatorze accusations plus absurdes qu’atroces, plus atroces qu’absurdes ; qui me suis vu traîner dans vos prisons deux fois, pour y être égorgé sans aucun jugement ; qui ai reçu dans ma maison la visite de quarante mille hommes du peuple souverain, et qui n’ai commis d’autre crime que d’avoir un joli jardin ; moi, décrété d’accusation par vous pour deux faits différents regardés comme trahitoires ; dans la maison duquel tous vos scellés sont apposés pour la troisième fois de l’année, sans qu’on ait pu dire pourquoi, et qu’on va chercher à faire arrêter en Hollande pour m’égorger peut-être sur la route de France, pendant que je me trouve en sûreté à Londres : je vous propose, ô citoyens, de me rendre

Me voilà bientôt à la fin ; il ne me reste plus vention nationale, et c’est à quoi je me prépare, ,

à l’instant librement à Paris, et prisonnier sur ma

parole tant que je plaiderai mes causes ; ou bien 

recevoir la ville pour prison, ou ma maison, si Malgré qu’ils aient saisi mes biens, je puis encore cela convient mieux. former cette puissante corruption : deux comités sévères de l’Assemblée nationale, composés de cinq autres, min 1rs en différents temps ; puis la commune, la mairie, leur comité de surveillance, achetés ; puis quatre ou cinq ministres en avril, en juillet dernier, acht tés : puis le parlement de Paris, en 1789, acheté, lequel ne m’aimait pas du (oui : ce qui le rendait cher et pesant pour nia bourse ; n’importe, acheté, acheté ; puis enfin presque tous les corps de la magistrature française, qui "et jugé sévèrement tous les incidents de ma vie, el onl tous condamné mes lâches adversaires comme vils calomniateurs (car ce substantif est partout), ache- /ts.’sitoui cela ne m’a pas ruiné, quel magnifique acheteur je suis ! Le lord Clive u’, ferail Mais ma monnaie, à moi, pour achett r autant de i celle avec laquelle je prétends acht i< r aussi Lecointre et toute la Convention, sera de bien prouver, les pièces sur table, comme je l’ai déjà l’ait vingt fois dans vingt tribunaux différents, que je suis un homme juste, bon père, bon mari, bon ami, bon parent, très bon i rinçai-, excellent citoyen, et loyal négociant, fort désintéressé. Lecointre, et vous, législateurs, telle est ma i inaie corruptrice ; pour parvenir à vous l’offrir à tous, voici ce que je vous propose.

Tous les gens suspectés de non-civisn t de traîtrise, ou même qui craignent de l’être, frappés d’une juste terreur sur la manière donl beau p é innocents ont été sacrifiés : car la loi veut qu’on répute innocent l’homme qu’un jugement légal après avoir entendu lui ou les défenseurs qu’il choisit, n’aura pas déclaré coupable ; tous ces ci-

Cette précaution prise, et ma vie assurée, je pars à l’instant pour Paris. J’ai même quelque espoir d’y être encore utile à ma patrie.

Caron de Beaumarchais.

Mes preuves suivront de près.

BEAUMARCHAIS

À

LECOINTRE

SON DÉNONCIATEUR

PREMIÈRE ÉPOQUE

des neuf mois les plus pénibles de ma vie.

Le vieux Lamothe-Houdart, sortant un soir de l’Opéra, soutenu par un domestique, marcha sans le vouloir sur le pied d’un jeune homme, qui lui asséna un soufflet. Lamothe-Houdart lui dit avec modération, devant les spectateurs surpris : Ah ! monsieur, que vous allez être fâché quand vous saurez que je suis aveugle ! Notre jeune homme, au désespoir de sa brutale étourderie, se jeta aux pieds du vieillard, lui demanda pardon en présence de tout le monde, et le reconduisit chez lui. Depuis lors il lui voua la plus respectueuse amitié.

Or maintenant, Lecointre, écoutez-moi. Pendant que j’étais en Hollande à servir la patrie sans que