Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/661

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ceci on ne m’avait jamais renvoyé à M. Servan. Dans la séance du conseil, la seule où je l’eusse aperçu, il n’avait pas ouvert la bouche. MM. Lebrun, Clavière, étaient les seuls à la brèche… Mais les variations du ministre Lebrun ! cet air bonhomme avec lequel il avait hâté mon départ, si opposé à sa conduite de la veille et du lendemain !… Allons, me dis-je, patientons !… l’avenir m’apprendra le reste.

Arrivé le 30 à Porthsmouth, j’étais le 2 octobre à Londres. Je n’y restai que vingt-quatre heures. Mes amis et mes correspondants, MM. Lecointe frères, à qui je dis mes embarras, me donnèrent un crédit de dix mille livres sterling, me disant : « Il faut en finir au plus tôt ; ne perdez pas une minute ! »

Enchanté de leur procédé, je m’embarquai pour la Hollande, où, après le passage le plus pénible qu’on eût fait depuis quarante ans, après six jours de traversée, j’arrivai malade à mourir. Je remis le paquet du ministre à M. de Maulde.

Il le reçut avec beaucoup de grâce, en me disant : « Cet ordre est positif, je m’y conformerai avec exactitude ; mais vous allez trouver ce pays bien semé d’entraves. »

Je lui demandai s’il avait reçu le cautionnement par M. Lebrun. « Non, pas encore. — Monsieur, lui dis-je, achevant le détail de ce que j’avais éprouvé, le ministre m’a dit qu’il vous donnerait l’ordre de me compter deux ou trois cent mille francs, s’ils m’étaient nécessaires, sur tous les fonds que vous avez à lui. — Je n’en ai point, dit-il ; ils sont employés au delà. Sans doute, il m’en fera passer. »

Je le priai de faire donner copie de ce que les divers ministres lui avaient écrit sur cette affaire des fusils. Il me le promit et l’a fait, car c’est un homme de probité.

En attendant que je m’en serve, voici la lettre de M. I brun renfermant le traité du 18 juillet certifié :

A M. de Maulde.

a Paris, ce 20 septembre 1792.

M. Beaumarchais, monsieur, qui vous remettra ma lettre, se détermine à aller en Hollande pour mettre fin à l’affaire des fusils arrêtés à Tervère. Comme vous êtes parfaitement instruit de tous 1’incidents qui ont jusqu’ici retardé l’envoi de ces armes à leur vraie destination, je vous prie de vous entendre avec M. Beaumarchais pour nous LES PROCURER LE PLUS PROMPTEMENT POSSIBLE. Je désire que cet envoi se fasse avec autant de sûreté onomie. Je compte beaucoup sur votre zèle et vos soins pour bien remplir ces deux objets, et je suis persuadé d’avance que M. Beaumarchais VOUDRA BIEN VOUS Y AIDER DANS L’OCCASION. « Le ministre des affaires étrangères, Lebrun. >> I’. S. Viras trouverez ci-joint, monsieur, une copie collationnée du marché fait entre M. Lajard,

ci-devant ministre de la guerre, et M. Beaumarchais. La franchise de cette lettre me ramenait à croire que M. Lebrun pouvait bien n’avoir servi que d’instrument à la haine ou bien à la cupidité des autres. On ne pouvait pas faire des actes d (s. Il n’y a pas un mot, disais-je, qui nous présente un autre sens. (Comme vous êtes instruit, dit-il, de ce qui a ivoi de ces armes À LEUR VRAIE DESTINATION, JC VOUS plie de VOUS 611-M. Beaumarchais pour nous les procurer LE PLUS PROMPTEMENT POSSIBLE.) Quel autre qu’un propriétaire emploierait ces expressions 1 {Je désire que cet en mec autant de sûreté que d’économie.) S’il ne regardait pas les armes comme à eux, que lui importerait l’économie ? Mais c’est que le traité les charge de tous les frais. [Je compte beaucoup sur voti :’■ t voi soins pour bien REMPLIR CES DEUX OBJETS.) Apre— des plll ; l-e— —i pressantes, c’est insulter M. Lebrun que de douter de sa bonne foi ! (et je

M. Beaumarchais voudra bien vous y aider dans l’occasion.)

tout mon rôle changé ! Au lieu d’être aidé dans ma chos

AXS LA CHOSE DU GOUVERNEMENT ! I dis-je, je le ferai, soyez-en sûr, monsieur I j’y mettrai ma chaleur et mon patriotisme, comme si les armes étaient encore à moi. Cela est très-clair maintenant : tant que M. Le---ait en nom collectif, j’étais bien maltraité par lui ; quand il parle en son nom, il est • J’y veux mettre tous mes moyei la malveillance des autres. Le ministre a me lu ie

même d’y aider ; is les fonds di I promis.

Pardon, pardon, monsieur Lebrun ! peut-être que M. Clavière était enfermé avec vous le jour que vous avez refusé de me voir ! Tout cela est Lien tortueux ; mais, hélas ! c’est la politique, et c’est ainsi que tout marche aujourd’hui. N’y pouvant rien changer, soumettons-nous ; et voyons arriver M. Constantini, le mignon et l’élu de nos mi >’ pat) iotes !

Je fus trouver M. de Maulde, et lui dis : « En attendant, monsieur, que le cautionnement arrive, je m’en vais exiger par acte notarié, du vendeur hollandais, qu’il me fasse une expropriation légale, et une livraison pareille, à Tervère même. Mais, comme j’ai affaire à des gens cauteleux à Paris, je veux qu’il soit bien constaté que, pour la première fois que je verrai ces armes (encaissées, emmagasinées, deux mois avant qu’on me les proposât), vous les voyiez en même temps que moi.

« Vous recevrez ma livraison le même jour que je prendrai celle du vendeur hollandais, afin qu’on ne puisse jamais soupçonner que j’en aie changé ou détourné une seule pour le service des ennemis :