Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/782

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sur-le-champ, le jour que l’on croyait ma maison incendiée :

Enfin donc votre Beaumarchais
Vient d’expier tous ses succès.

Expier des succès ! Ah ! l’abominable homme ! dirait ici l’Orgon de Molière, Eh ! quoi donc, aux yeux de l’envie, les succès deviennent des crimes ! Quels pauvres succès que les miens, rachetés par tous les dégoûts qu’elle verse à pleines mains sur moi ! Des succès de pur agrément ; car les fruits du travail, des travaux de toute la vie, noyés dans des mers de chagrins, perdus et rattrapés vingt fois par mes veilles accumulées ; ces fruits qu’on appelle fortune, ce ne sont point là des succès. Le mot succès ne doit être appliqué qu'à nos récompenses morales ; et la fortune mon enfant, bien éloignée d’en mériter le nom, n’est qu’un résultat pécunier, nécessaire, mais triste et sec, et qui ne parle point au cœur.

Je te débite, en courant, les maximes qui se rencontrent sous ma plume.

Enfin, après sept heures de la plus sévère recherche, la foule s’est écoulée, aux ordres de je ne sais quel chef : mes gens ont balayé près d’un pouce et demi de poussière ; mais pas un binet de perdu. Les enfants ont pillé les fruits verts ; j’aurais voulu qu’ils eussent été plus mûrs : leur âge est sans méchanceté. Une femme au jardin a cueilli une giroflée ; elle l’a payée de vingt soufflets : on voulait la baigner dans le bassin des peupliers.

Je suis rentré chez moi. Ils avaient porté l’attention jusqu’à dresser un procès-verbal guiriandé de cent signatures qui attestaient qu’ils n’avaient rien trouvé de suspect dans ma possession. Et moi je l’ai fait imprimer avec tous mes remerciments de trouver ma maison intacte ; et je le publie, mon enfant, d’abord parce que l’éloge encourage le bien, et parce que c’est une chose digne de l’attention des bons esprits, que ce mélange, dans le peuple, d’aveuglement et de justice, d’oubli total et de fierté ; car il y en a beaucoup en lui, pendant qu’il se livre au désordre, d’être humilié s’il croit qu’on pense qu’il est capable de voler. Si je vis encore quelque temps, je veux beaucoup réfléchir là-dessus.

Mon enfant, j’ai dîné chez moi comme s’il ne fût rien arrivé. Mes gens, qui se sont tous comportés à merveille et en serviteurs attachés, me racontaient tous leurs détails. L’un : Monsieur, ils ont été trente fois dans les caves, et pas un verre de vin n’a été sifflé. Lu autre : Us mit i idé In fontairu dt In cuisine, et je leur rinçais des gobelets. Celle-ci : Ils ont fouillé toutes les armoires au linge, il ne manque pas un torchon. Celui-là : Un d’eux i st m nu m’ m ertir ’im votre montre était à votn lit ; lu voilà, monsieur, In voilà ! Vos lunettes, ros crayons étaient sur la table à écrin et rien n’a été di tourné.

Enfin me voilà parvenu à la terrible nuit donl je ous ai déjà parlé ; en voici les affreux détails : Lu nous promenant au jardin sur la brune, le samedi, l’on me disait : Ma fil, monsieur, • qui est un ni, il n’i/ a aucun inconvénient qu is •passiez la nuit ici. El moi je répondais : Sansdoute ; mais il n’j en a pas non plus que j’aille la passer ailleurs ; et ce n’esl pas le peuple que je crains, le voilà bien désabusé ; mais cel avis que j’ai reçu, d’une association de brigands pour me piller une de ces nuits, me fait craindre que, dans la foule qui s’esl introduite chez moi. ils n’aienl étudié les moyens d’entrer la nuil dan- ma maison ; car on

i entendu de terribles menaces
peut-être j en

a-i il quelques-uns de cachés ici ; enfin, j’ai envie d’aller passer une bonne nuil chez notre hou ami de la rue des Trois-Pavillons : c’e I bien la rue la plus tranquille qui soit an tranquille Marais. Pendant qu’il esta sa campagne, va, Fj m is, va mettre a son lit une paire il draps pour moi. J’ai soupe, ma fille’ : heureusement j’ai peu mangé, puis je suis parti -ans lumière la rue de- Trois-Pavillons, m’assuranl bien d en temps que personne ne me suivait. Mon François retourné chez moi, la porte de la rue barrée et bien fen , un domestique de mon ami enfermé tout seul avec moi. je me suis livre au sommeil. A minuit, h.’ valet, en chemise, effrayé, enlrc dans la chambre où j’étais : Monsieur, me dit-il, levez-vous ; tout l< peuph i ii ni vous chercher ; Us frappent <> enfoncer /<< porte. On vous n trahi di i lu z i uns : lu mu i s< n i n iin pillée. Eu effet, on frappait d’une façon terrible. A peine réveille, la I. rreur de cel homme m’en donnait à moi-même. I n moment, dis-je, mon ami, In frayeur nuit aujugeiin ni. Je mets ma redingote, en oubliant ma veste, et. mes pantoufles aux pied-, je lui dis : V a-t-il quelque issue par où l’on puisse sortir d’ici ? — Aucune, monsieur ; mais pressez-vous, car ils vont enfoncer la porte. Ah ! qu’est-ce que va dire mon maître ? — Il m : dira mu, mon ami, car je nus livrer ma personm pour qu on respect su maison. Valeur ouvrir, je descends avt c toi.

Nous étions troublés tous les deux. Pendant qu’il descendait, j’ai ouvert au premier étage une fenêtre qui donnait sur la rue du Parc-Royal ; il y avait sur le balcon une terrine allumée qui m’a l’ait voir, au travers de la jalousie, que la rue était pleine de monde : alors le désir insensé de sauter par la fenêtre s’esl i teint à I instant où j’allais m’y jeter. Je suis descendu en tremblant dan- la cui -me au r I de la cour ; et, regardant par le vitrage, j’ai vu la porte enfin s’ouvrir. Des habits bleus, des piques, des gens en veste, sont entrés : des femmes criaient dans la rue. Le do stique CSl revenu vers moi pour chercher beaucoup de chandelles, et m’a dit d’une voix éteinte : Ah ! c’est bien àvous qu’on en veut ! - Eh bien ! ils me trouveront ici.