Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/821

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COLETTE. Laisse-moi, perfide ! tu ne jouiras pas longtemps de ton triomphe, et ta tendre Colette saura bientôt mettre fin à une vie qu’elle ne chérissait que pour toi.

SCÈNE II

COLIN, COLETTE, THIBAUT. Eh ! morgué ! qu’avez-vous donc, mes enfants ? comme vous vous querellez ! on dirait déjà que vous étiez mari et femme. Te voilà tout en larmes, Colette ! Oh ! ventregué ! monsieur Colin, ce n’est ni biau ni honnête : il faut avoir pu de complaisance pour le biau sexe.

COLIN. Eh ! mon oncle, ne me jugez pas sans m’entendre.Colette ignore…

Colette, vivement. Non, perfide, je n’ignore rien, et je ne suis que trop instruite…

THIBAUT, à Colette. Laisse-le parler, Colette.

Colette, vivement. Je ne saurais, j’étouffe.

THIBAUT. Tu auras ton tour…

COLETTE. Comment justifiera-t-il son procédé ?

THIBAUT. Nous allons voir…

COLETTE. L’ingrat ! sur le point de m’épouser !

THIBAUT, à Colin. Comment ! ceci est donc bien sérieux ?

COLIN. Me serait-il permis enfin de dire un mot ?

COLETTE, vivement. Que va-t-il dire ?

TBIBAUT. Voyons.

COLETTE, vivement. Ah ! que les hommes sont fourbes !

COLIN. Souffrez…

COLETTE, vivement. Après tant de serments…

COLIN. Que je vous instruise…

COLETTE. De m’aimer toujours…

THIBAUT, impatient. Oh ! dame Colette, si tu veux que je sache de quoi il s’agit, il faut au moins que tu te taises.

COLETTE. Comment ! vous n’êtes pas encore au fait ?

THIBAUT. Et le moyen ?

COLETTE, vivement. Je vois bien que vous êtes de son parti.

THIBAUT. Mais. Colette, vivement. Vous m’auriez rendu justice.

THIBAUT. Je…

COLETTE, vivement. Tout le monde me trahit.

Thibaut, vivement. La peste m’étouffe, si…

SCÈNE III

MATHURINE, susdits acteurs.

MA.THURINE, accourant. Et à quoi vous amusez-vous donc là ? Tout le village est assemblé pour célébrer la fête du seigneur de ce château ; ils sont tous mis en rond pour convenir ce qu’ils feront pour le divertir : les uns préparont des feux d’artifice, d’autres voulont jouer des comédies ; le magister, qui a pu d’esprit, compose des chansons ; il a déjà déchiré plus d’une rame de papier ; il dit qu’il n’est embarrassé que de la rime ; mais not’pal’fermier Colas, qui n’entend ni rime ni raison, a dit qu’il voulait le mettre au fait. Qu’attendez-vous donc là, les bras croisés, tandis que tout le monde est occupé ?

THIBAUT. Rendez-nous plus de justice : je nous sentons tous animés du même zèle, et si je ne nous distinguons pas, ce ne sera pas not’faute. Mais il s’agit d’un petit différend entre nos deux amoureux. Vous savez comme ils s’aimaient hier : eh bien ! ils ne peuvent pas se souffrir aujourd’hui.

mathurine. Eh ! d’où vient ?

THIBAUT. Colette va te l’expliquer.

COLETTE. Colin me refuse son bouquet !

MATHURINE. Ah ! Colin, ce n’est pas honnête.

COLIN. Puis-je en faire un larcin au seigneur de ce château ?

COLETTE, tendrement. Quoi ! c’est à lui que vous le destiniez ?…

COLIN, sur le même ton. Et quel autre que lui pourrait le dérober à Colette ?… …