Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/865

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si aiguë dans le creux de l’estomac, chaque que le diaphragme se soulève pour l’aspiration, que cela me plie en deux à tout moment. Il faut qu’en ce débat j’aie reçu quelque grand coup dans cet endroit, que je n’ai pas senti d’abord.

En examinant depuis de sang-froid l’état des choses, j’ai vu que la double étoile du sachet et la bourre parfumée qu i •

fort du coup porté dans ma poitrine, l’o coup amorti. La boîte d’or, en le recevant, a fait comme une lame de fer-blanc ; et le coup, asséné de bas en haut, parce que je tombais à la renverse, n’a fait qu sus : c>’qui n’emqu’elle ue soit enfoncée, crevi sillonnée par la pointe du poignard. circonstance d’une boîte qui paraît destinée à contenir un portrait, quoiqu’un peu grande, et qui m’a sauvé la vie. a tellement frappé les honnêtes personnes de Nuremberg, qu’elles ne pouvaient se lasser d’examiner la boîte et le cachet ;

; se dire un 

grand office à la Sainte Vierge, en reconnais ce bonheur. Et moi, les laissant dans leur erreur, je leur ai fait remarquer en riant qu’il y aurait une contradiction manifeste et même indécente d’aller remercier la Vierge, parce que la boîte à portrait d’une femme qui ne l’est point m’avait garanti de la mort. Ils n’ont point manqué, comme bien vous pensez, de dire à cela que j’étais un drôle de corps. Je suis de leur avis : mais on a beau jeu de rire quand on se voit sur ses pieds, après une aussi diabolique aventure.

Si mon étouffement continue, je me ferai saigner ce soir à Ratisbonne, où l’on m’a dit que je trouverais encore plus de secours qu’à Nuremberg. Désormais il faudra changer mon appellation, et, au lieu de dire B*** le blâmé, l’on me nommera B*** le balafré. Balafre, mes amis, qui ne laissera pas que de nuire à mes succès aphrodisiaques ! Mais qu’y faire’.’ne faut-il pas que tout finisse ?

Faites avec moi quelques réflexions philosophiques sur ma bizarre destinée : il y a beau champ pour cela. Qu’est-ce donc que le sort me garde ? car quoiqu’il fît bien chaud à la barre du palais, il faisait encore de quelques degrés plus chaud dans la sapinière de Neuschtat. Cependant je suis sur mes pieds ; tout n’est donc pas dit pour moi.

Songez, mon ami, que je suis vivant, concevrez comment les choses mêmes qui paraissent si timides aux autres hommes qu’ils ne pren-seulement la peine d’y réfléchir, sont presque toujours pour moi la source d’une foule

; donc joyeux désormais toutes les fois que je me souviendrai que 

je suis en vie, car vous m’avouerez que ce serait nde platitude que d’aller mourir de cette sotte oppression d’estomac qui me reste, après m’être relevé vivant, quoique assassiné par deux scélérats. Me croyez-vous capable d’une pareille ’’ih que non ! vous avez ti

moi pour ni r. Je vais


d route pour la France : in

terminées. Mais j’ai l’air d’ui ecmabalins, ma main

Ajoutez que je grimace comme un supplicié toutes les fois que j’aspire : ce qui compose environ 40 grimaces par minute, lil manquer de m’enlaidir encore un peu davantage ; el vo ; Au milieu de tout cela, je ne puis m’empêcher de sourire de la mine bassement ridicule que fait un lâche coquin pris sur le temps, et forcé de demander quartier. Mais quand a frappé mes yeux, alors il n’était pas sa rire : aussi ne riais-je pas. Je voyais seulement quel extrême avantage a l’homme de sang-froid sur ceux qui le perdent. Voilà ce que j’ai étudié toute ma vie ; voilà ce à quoi j’ai rompu mon âme illante, à force de l’exercer sur le ; contradictions.

n’y a plus que les petites colères qui me rendent mauvais joueur. Le, grandes me trouvent toujours assez armé. Il faut pourtant que la nature soutire en moi de cet effort, puisqu’elle ne s’en donne la peine que dans les occasions majeures ? , et me laisse tout entier à mon vice radical sur les coups d’épingle ; et voilà certainement pourquoi je suis deux hommes : fort dans la force, entant et musard tout le reste du temps. Cet accident a fait tant d’éclat dans le pays, qu’il se peut très-bien que quelques gazettes en parlent. Mais comme elles ne diront apparemment le fait qu’en abrégé, je profite du loisir d’une route tranquille, sur un très-beau fleuve, dont le cours sinueux, changeant à tout moment l’aspect des ri■… — ijouit ma vue, et met assez de calme dans — peur que je puisse vous faire ce détail. S’il est un peu décousu, vous serez indulgent lorsque vous penserez que j’étouffe en respirant, et que tout le corps me fait mal, sans compter les élancements de mes blessures, qui ne m’auraient pas permis de soutenir plus longtemps le cahotement de la poste, ce qui m’a fait gagner le Danube par le plus court chemin.

La fièvre m’avait pris en quittant les terres de Prusse pour entrer dans l’électoral de Trêves et Cologne :’car toute la route depuis Nimègue, où finit la Hollande, à travers le duché de Elèves, est si affreuse, que la fatigue seule m’avait rendu malade. Quand le roi de Prusse, disent les habitants, n’aura plus rien à nous prendre, il ne nous prendra plus rien. paysest-il déplorable. Le Salomon du Nord, il faut l’avouer, aime un peu beaucoup l’argent, et en général a plus de quade vertus : aussi sera-t-il rangé dans la