Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/46

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Au milieu d’idées et de sentiments tous nouveaux pour moi, ma première impression fut une répugnance, et, persuadé que la scène qui s’offrait à mes yeux, dans un étroit espace, ne me donnait point le type de la société américaine, je résolus, peu de jours après mon arrivée, de voir Nelson aussi rarement que je le pourrais sans manquer aux convenances, et de chercher dans le grand monde, où je tâcherais de me répandre, des relations qui me convinssent mieux. Le fils de Nelson, Georges, qui seul, dans cette maison, avait dès le premier jour gagné mon cœur, me présenta chez les personnes les plus considérables de la cité. Pendant le jour, nous visitions ensemble la ville, ses établissements publics et ses monuments ; nous assistions aux assemblées politiques ; nous pénétrions dans les clubs ; les environs de la ville nous fournissaient de charmantes promenades ; j’aimais surtout la baie de Baltimore, qui me rappelait celle de Naples ; là chaque impression me valait un souvenir. Souvent, abandonnant ma barque au caprice des vents, et mon âme à ses rêveries, je croyais, aidé de l’illusion de mes sens et des infidélités de ma mémoire, respirer encore sous le beau ciel de l’Italie ; parfois une colonne de vapeur noirâtre, sortie des flancs d’un navire, s’élevait dans les airs, et, se dessinant sur l’horizon par-dessus la cime des montagnes, dont elle semblait sortir, figurait à mes yeux le cratère fumant du Vésuve. D’où me venait ce penchant à me ressouvenir d’un pays qui m’avait donné tant d’ennuis, si peu de joies ? Ne serait-ce pas qu’un charme secret se cache dans les souffrances du passé ? il nous reste d’elles le sentiment de les avoir vaincues ; et, quand on est encore infortuné, c’est un bien que de penser à des malheurs qui ne sont plus.

Au déclin du jour, Georges et moi, nous cherchions, dans les brillantes réunions du monde, des distractions et des plaisirs. C’était la saison des fêtes : les bals, les concerts, se succédaient non interrompus.

Je portais un regard avide et impatient sur cette société dont on parle tant en Europe, et que l’on connaît si peu ! Je crus voir au premier coup d’œil que je n’y trouverais rien de ce que j’y cherchais.

Les États-Unis sont peut-être, de toutes les nations, celle