Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacune de ces paroles allait à mon cœur ; je dis à Marie : — Je désire voir l’hospice : voudrez-vous me servir de guide à travers les misères de l’humanité ? — Elle me fit un signe d’assentiment.

Je compris en ce moment combien il est facile d’être bon, quand on est heureux. Affligé, j’envisageais le mal d’autrui pour me distraire du mien ; délivré de ma peine, j’allais voir des infortunes, mais c’était pour y compatir. Je connus alors l’emploi de ces longues heures qui avaient tant inquiété mon cœur. La fille de Nelson parcourait les salles, les corridors, les dortoirs de la maison, comme si cet asile charitable eût été sa demeure de chaque jour ; tous les détours lui en étaient familiers ; tous les gardiens s’inclinaient devant elle ; toutes les douleurs se taisaient à son aspect.

Il existe aux États-Unis deux systèmes de charité publique. L’un est celui de l’Angleterre, où tout individu qui n’a pas de travail, ou prétend n’en pas avoir, a droit à une aumône ; principe en vertu duquel tout fainéant se fait pauvre et trouve dans l’imprudente prévoyance de la loi un secours matériel qu’il demanderait vainement au travail le plus opiniâtre ; ce secours le fait vivre et le dégrade en ruinant la société. Tel est le système en vigueur à New-York, à Boston et dans toute la Nouvelle-Angleterre *.

L’autre est celui des établissements de bienfaisance, où les indigents n’ont pas le droit légal d’entrer, mais où ils sont admis, sous le bon plaisir des préposés de l’autorité publique. Suivant cet ordre d’idées, la société ne contracte point l’obligation de soutenir tous les faibles ; elle en soulage le plus grand nombre possible. Comme son assistance peut être refusée au pauvre, nul ne feint la misère, certain qu’il est de la honte, sans être sûr du secours. Ce système, adopté en France, est également suivi dans le Maryland.

L’Alms-House de Baltimore contient trois sortes de malheureux : des pauvres, des malades, des aliénés.

Marie ne rencontrait, au milieu d’eux, que des sentiments d’amour, de respect et de reconnaissance. — Voyez, me disait-elle, cette jeune femme au visage creux et pâle, aux regards éteints ; elle était belle jadis, et soutenait de son travail ses enfants pauvres comme elle ; maintenant elle se consume