Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

montres, il ne te sera rien fait. Ce poignard, je l’attacherai, à ton pourpoint quand tu sortiras ; cette rapière sera la tienne. Tu me rends ma fille ! oh je te bénis, je t’aime ! Mais songe à te hâter ; indique-moi vers quel lieu… Je hais bien cet homme, ajouta Pompeo, je hais ce Samuel à payer de tout mon sang un quart d’heure de ma vengeance… eh bien, je la différerai si tu me fais voir ma fille… Mais qui donc es-tu, toi qui connais et remues tant de secrets ? Qui donc es-tu, toi qui fais succéder ainsi les voix les plus opposées au fond de mon cœur ?

— Tu me demandes qui je suis ? répliqua le masque avec un rire strident, tu veux le savoir, Pompeo ?

— Dis-le-moi ! oh ! ne fût-ce que par pitié.

— Pompeo, dit l’homme en s’arrêtant, je suis une énigme vivante. Ange ou démon, peu t’importe. Tu vas voir ta fille, frappe ici.

— Ici ! s’écria Pompeo étonné, ici ! mais c’est la demeure de maître Philippe, c’est le cabaret de la Pomme de pin ! il n’y a ici qu’une enfant, c’est Mariette !

Tous deux étaient arrivés, en effet, vis-à-vis de l’enseigne, qui criait sur sa longue flèche, agitée par le vent des fraîches brises de la Seine. Aucune lumière ne troublait alors l’obscurité de cette vieille façade ornée de grillages de fer.

— Mariette ! Mariette ! soupirait l’Italien dont les pleurs mouillaient les yeux.

En ce moment Pompeo avait oublié sa vengeance, il ne se possédait plus de joie, il était fou.

— Mais comment pénétrer à cette heure chez maître Philippe, objecta-t-il à son compagnon. Je vais le réveiller, je vais crier.

— Garde-t’en bien, répondit le masque, je m’en charge. Il ne faut pas que maître Philippe nous voie. Escaladons le mur du petit jardin ; une fois là, je me chargerai du reste.