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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Quand Lauzun entra chez Mademoiselle, il la trouva sa lettre à la main, ressemblant assez à la pythonisse de Delphes, tant il y avait de fureur concentrée dans son regard. Sua teint, d’une pâleur bilieuse, disparaissait alors sous une couche épaisse de rouge ; mais il fut facile à Lauzun de pressentir un orage à sa seule agitation.

Mademoiselle de Montpensier, la fille de Gaston, était loin d’être une belle personne et bien qu’elle nous ait tracé elle-même son propre portrait, il est bien permis de récuser son témoignage[1].

Il est nécessaire de toucher un mot de son hymen. Hautaine et sévère, elle avait refusé les premiers partis de l’Europe, pour donner son cœur à Lauzun, qui avait obtenu du roi qu’elle accompagnât la reine au voyage de Flandre, afin de lui continuer sa cour[2]. Enhardi par ce début, le capitaine des gardes s’était avisé de demander à Mademoiselle le nom de celui qu’elle voudrait épouser ; elle le remit à trois mois. Les trois mois révolus, elle lui donna un billet au Louvre, dans un bal ; Lauzun trouva son nom écrit. Il feignit de croire, en homme habile, que la princesse se moquait de lui ; elle lui déclara qu’il devait tout essayer près du roi pour l’obtenir. Sur ces entrefaites, Monsieur rechercha Mademoiselle, après la mort de sa femme ; Louis XIV se fit prier, mais Mademoiselle triompha du roi, à qui les princes et princesses avaient fait rétracter une première fois sa parole. Ce fut ainsi, au dire des Mémoires du temps, que l’on vit un simple cadet, sans autre fortune que son épée, mettre en déroute les plus illustres poursuivants, ceux-là même qui y avaient le plus de droit[3].

Mais ce mariage n’était qu’un hymen secret ; à peine venait-il d’être conclu que Lauzun s’était vu disgracié. L’é-

  1. Mémoires de Mademoiselle.
  2. 1671.
  3. L’empereur avait recherché Mademoiselle, et elle en avait reçu des lettres ; son postillon se vit arrêté.