Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Savez-vous que vous le détrôneriez aisément, s’il vous en prenait envie !

— Trêve de compliments, monsieur ; que veniez-vous faire ici, à cette heure ? reprit Mademoiselle avec un ton d’étonnement sérieux.

— Vous rendre votre visite d’hier, madame la princesse ; me pardonnerez-vous d’avoir été si matinal ? Le désir unique de vous revoir… J’ai appris vaguement que vous deviez aller aujourd’hui même faire vos remerciements à Sa Majesté, je venais y mêler les miens.

— En vérité, monsieur, j’admire votre aplomb ! et le moment est on ne peut mieux choisi, reprit Mademoiselle ironiquement.

— C’est ce que je me suis dit. Puisque vous allez à Versailles dans quelques heures, il ne serait pas juste que vous y vissiez le roi pour rien.

— Que voulez-vous dire ? Ne me suis-je donc pas assez employée pour vous faire rentrer en grâce ?

— Vous voulez dire en disgrâce, madame la princesse. Depuis mon retour ici, il n’est sorte d’attaques auxquelles je ne me trouve exposé. On me sait fort mal dans mes finances, et c’est à qui en profitera. À Pignerol, du moins, j’étais logé aux frais de Sa Majesté, à présent…

— À présent, vous voudriez l’être aux miens, c’est ce que vous voulez dire.

— Je vous remercie de venir vous-même au-devant de mon embarras. Vous savez à quelles conditions je rentre ici ; ce n’est pas trop, je pense, de votre crédit pour en diminuer la rigueur. J’ai donc osé compter sur votre facile intervention. Vous direz au roi…

— Au roi ! Non, monsieur, non, certes, je ne lui dirai rien de votre belle conduite. Comment, après ce qui s’est passé hier…

— Et que s’est-il donc passé ?

— Il paraît que vous avez peu de mémoire. Quoi ! cette comédie dont je suis venue fort à propos empêcher le dénoue-