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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

roi, au mari de Mademoiselle, de prendre souci de la fille d’un partisan ?

— Vous n’en parliez point sur ce ton, maître Barailles. N’est-ce point à vos conseils que j’ai dû moi-même une partie de ma belle résolution ? Échouer ainsi, dit Lauzun d’un ton de dépit et en chiffonnant sa manchette que Barailles disposait avec amour.

— Il est vrai que c’est moi qui vous ai le premier parlé de l’infante susdite ; je la croyais malheureuse, mais elle court les champs et s’embarrasse peu de la désolation de monsieur son père. Le pauvre cher homme ! il en a pleuré, bien que partisan de son état.

— Barailles, quoi qu’il arrive, dit Lauzun en se levant et sur un ton de vivacité, il faut que tu découvres la retraite de cette enfant. Il se trame autour d’elle quelque complot ténébreux, je crains cet homme… Hier, chez Monsieur, on parlait d’une bande de débauchés qui infestent Paris, malgré M. La Reynie ; on dit que de Vardes, revenu de son exil, est à leur tête… Il faudra que j’avertisse mon neveu Riom, qui donne en nigaud et en imberbe dans tout ce, qu’il y a d’encombré à Paris… À propos, je l’attendais, il devait être ici sur les neuf heures… Comme la pendule en marque dix, il trouvera bon de m’attendre jusqu’à six heures, tu lui diras que je reviendrai alors de chez la maréchale. Donne-moi ma canne et mon chapeau.

Barailles sourit.

— Qu’as-tu donc ? à quoi songes-tu ?

— Je songe, monsieur le comte, que vous êtes encore bien ingambe pour un oncle.

— Flatteur !

— Je ne flatte point, on disait cela l’autre jour chez M. le. Dauphin autour de moi…

— Barailles, mon ami, vous êtes bien le miroir le plus complaisant…

Et Lauzun, prêt à sortir, s’examina à l’une des glaces de sa chambre. Quarante ans avaient passé sur ce visage que