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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Un traité de guerre contre vos rivales, belle princesse ; un traité de paix entre nous. Je vous aime comme au premier jour, ajouta le comte avec feu ; oui, je suis, comme autrefois, ardent et jaloux, malheureux de vous avoir perdue, et fier de vous retrouver ! Il manquait une divinité à ce temple que je viens de faire construire, voulez-vous l’être ? Voyez, ce médaillon seul que je garde à ma cheminée vous représente dans tout l’éclat de la grâce, il n’a pas quitté mon chevet à Amboise comme à Pignerol ; c’est à vous seule que je songeais sous les verrous, ma princesse, n’est-ce pas pour vous que j’ai affronté la prison une première fois à la Bastille ? Mais aussi le roi était mon rival, vous étiez d’intelligence. Oh ! ce n’est pas vous qui refuseriez de me rendre jamais justice ? Vous me défendez avec chaleur, je le sais, on me l’a dit !

Madame de Monaco ne put deviner l’amère ironie que voilaient ces dernières paroles du comte. La princesse ne se rappela que l’histoire de son miroir cassé, de sa main délicate foulée dans l’herbe sous le talon brutal de cet homme qu’elle avait aimé à la fureur.

M’aimerait-il autant qu’autrefois, se demanda-t-elle, pleine de trouble. Ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne vois à cette glace que mon portrait.

Un pas de chevaux retentit dans la cour du comte.

— Miséricorde s’écria-t-il, je prends bien mon temps, ma chère princesse, c’est votre mari, c’est M. de Monaco !

— M. de Monaco, s’écria la princesse d’un son de voix altéré, je suis perdue ! Ce matin encore il parlait de me faire renfermer ; s’il me trouve chez vous, je suis une femme morte !

Pour toute réponse, Lauzun frappa du pied, et montra à la princesse l’une des portes du boudoir, elle s’y précipita.

— Dans quelques instants, dit-il, je vous débarrasse de votre mari ; silence !

La porte refermée, Lauzun s’en fut tranquillement à la