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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

que Saint-Preuil l’avait sauvée la veille, elle avait tout oublié.

La présence de Leclerc fit passer en elle un frisson de glace. Il venait sans doute lui rappeler sa promesse, il venait réclamer d’elle l’accomplissement d’un devoir sacré. En cette occasion, la vue d’un fantôme eût moins effrayé la malheureuse jeune fille. Leclerc se leva tout d’un coup devant elle, terrible, menaçant. Il jeta d’abord un coup d’œil rapide autour de lui comme pour s’assurer qu’il était bien seul ; puis, après avoir passé la main sur son front pour en étancher la sueur brûlante, il lui dit :

— C’est moi, mademoiselle, je viens vous apprendre un vol.

— Un vol, demanda-t-elle, et qu’est-il donc arrivé ?

— Il est arrivé ceci, mademoiselle, que pendant mon séjour à la Bastille, un homme, un misérable a osé de nuit s’introduire dans ma maison, qu’il a pénétré dans ce cabinet où je vous avais parlé, qu’il m’a pris enfin cette bague que je vous avais montrée, durant cette nuit au doigt d’un cadavre… Je venais ici pour savoir si vous ne pourriez point me donner quelque indice, vous savez peut-être !…

— Moi, monsieur, interrompit mademoiselle Fouquet avec dignité, pensez-vous d’aventure qu’un des gens de cette maison se soit introduit nuitamment dans votre demeure

? Si cela était, ce n’est pas à moi qu’il fût venu faire ses confidences.

— Enfin, mademoiselle, on m’a volé, reprit Leclerc avec rage, on m’a enlevé mon bien le plus cher, ce bien vous le connaissiez !

— Il est vrai, monsieur, mais je ne puis croire que ce bien ne vous soit pas rendu quelque jour ; calmez d’abord cette irritation ; souffrez, je vous prie, que, pour vous-même…

— Que je me calme ! poursuivit Leclerc avec un redoublement de fureur, que je laisse un pareil vol impuni !