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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Henri l’imita, mais en appelant dans son cœur toutes les voix de la vengeance à son secours. Il se représenta l’insulte du comte, il se rappela les paroles moqueuses, acérées, de Roquelaure. Mais ce dont il se souvint avant tout, le noble jeune homme, ce fut de son amiral, de qui la flotte devait cingler de nouveau sous peu de jours ; il vit se dresser devant lui cette belle et pâle figure de Duquesne, dont les rayons seuls éclipsaient les pâles figures des gentilshommes qui l’entouraient sur le terrain de Vincennes.

— En garde ! reprit-il en croisant le fer avec fureur et en se parlant à lui-même ; c’est du sang qu’il faut pour un tel affront, n’est-ce pas, mon amiral ? Comte de Lauzun, votre arme est la canne, et non l’épée !

Un nuage épais de pâleur obscurcit les traits du comte, ce sarcasme entrait dans sa poitrine comme un fer aigu. Un moment, il se crut tué.

D’une, main rapide et sûre, il tendit sa pointe au jeune homme… Henri vint s’y enferrer.

Quand on le releva livide et sanglant, on trouva sur son sein un mouchoir de femme, celui de mademoiselle Fouquet. Le même coup avait percé le linge et le cœur.

En ce moment même, un cri effrayant, aigu, retentit du fond d’un carrosse qui débouchait de l’allée voisine. Une jeune fille, à demi voilée par ses cheveux en désordre, les traits égarés, les mains tremblantes, se précipita sur le cadavre de Henri.

— Mort ! balbutia-t-elle à travers des larmes et des sanglots ; mort… oh ! monsieur, et par vous !

Lauzun se baissa, il reconnut mademoiselle Fouquet.

— Je me suis vengé, répondit-il.

— Vengé, reprit-elle, et sur qui ? sur votre fils !

— Mon fils !

— Oui, comte, votre fils, celui dont, vous le savez, vous déshonorâtes la mère !

— Qu’osez-vous donc dire, mademoiselle, êtes-vous dans le délire ? répondit Lauzun d’un air dédaigneux ; il n’y a