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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Tout ce que le découragement renferme d’amer et le doute de souffrances était empreint sur ce front sévère et noble…

Elle se releva et feuilleta quelques papiers contenus dans une cassette.

— Des lettres de Mademoiselle ! Elle promet beaucoup, mais le roi, mais madame de Montespan, quand donc comprendront-ils ma douleur et mes angoisses ! Quelle est cette autre épître ? Une lettre de Saint-Evremont ; hélas ! le pauvre maréchal de camp n’est-il pas lui-même exilé ? Que faire ? Qu’entreprendre ? Si je m’adressais de nouveau à M. de Colbert ? Folle que je suis ! Louvois règne et il nous hait. Si la guerre pouvait au moins retenir ! Lauzun, Lauzun est brave ; il sauverait peut-être les jours de Sa Majesté !

Elle rêvait encore, lorsqu’un coup de tonnerre violent retentit au loin sur les hauts clochers d’Amboise. Presque au même instant, et à travers les rafales d’un vent furieux, elle crut entendre un cri…

Des pas pressés, sonores, ébranlaient déjà l’escalier qui conduisait à sa chambre ; ces pas étaient ceux d’un homme. An seul craquement de ses bottines, la dame tressaillit et se leva. Un rayon de joie et d’espoir brûlait sur son front, elle prit sa lampe et se dirigea vers la porte.

— Oh ! murmura-t-elle, ce ne peut être que lui.

Tout d’un coup elle recala, les lèvres serrées, le visage pâle…

Un homme, les traits bouleversés, les cheveux en désordre, les habits tachés de sang, se précipitait vers elle les mains étendues. Vêtu d’une cape grossière pareille à celles que portaient les Camisards dans les Cévennes, il venait de refermer la porte sur lui, en s’écriant : — Sauvez-moi !