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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

VIII

VINCENNES.


Le lendemain de la fête problématique donnée par Lauzun, dans le vaste hôtel de l’Île, à ses nobles hôtes, un soleil vif et perçant éclairait la cour, où les géraniums et les hortensias formaient une corbeille odorante, quand, à la porte même de l’escalier dérobé, Barailles intima au cocher l’ordre d’atteler les deux plus magnifiques chevaux du comte à son carrosse.

Cet honnête homme de cocher parut surpris ; il était à peine sept heures du matin.

— Sept heures du matin, pensa-t-il, et le monde s’en est allé à six heures ! il faut donc que M. le comte ait un corps d’acier !… Je l’aperçois d’ici qui traverse la galerie des portraits. Après cela, quand on a été comme lui sous les verrous, on aime à se promener de bon matin. En ont-ils cassé des verres cette nuit ! M. de Roquelaure surtout, qui tient le vin comme un dragon ! Mon maître va sans doute les rejoindre à déjeuner à l’Étrille d’argent ou aux Barreaux verts. Monsieur Barailles, je suis prêt dans la minute.

Barailles remonta ; il trouva Lauzun occupé à lire la Muse historique de Loret, almanach, ou plutôt journal en vers où il y avait certes bien plus souvent de la prose. Lauzun conservait son habit de bal ; seulement il avait placé tout à côté de lui sur un fauteuil une charmante épée à poignée fleurdelisée.

Il faut bien le dire, Lauzun regardait plus souvent l’épée que le journal de Loret.

Dans sa longue captivité, il n’avait guère eu le loisir de reprendre le jeu de l’escrime, son jeu favori. Du jour où d’Artagnan s’était vu forcé, par ordre de Louvois, de le conduire d’abord à Pierre-Encise, et de là à Pignerol, même