— Ce pauvre Barailles ! Et tu n’as pu découvrir…
— Depuis quand Paquette était revenue dans cette maison ?… Si fait ; c’est peu de jours après notre arrivée à tout deux… La pauvre enfant !
— Pourquoi la plains-tu ?
— Parce que j’ai appris des gens du financier que ce soir même deux voitures se préparaient, l’une pour conduire ce Leclerc à Lyon, l’autre pour mener Paquette au couvent des Filles de la Croix.
— Au couvent, as-tu dit ? Paquette au couvent ! Ah çà, il en veut donc faire une recluse ?
— Il y a toute apparence. D’abord, les domestiques m’ont assuré que loin d’être heureuse, la petite passait son temps à pleurer dans sa chambre comme une vraie Madeleine. Elle autrefois si rieuse ! Il doit vous en souvenir, monsieur le comte. À telle enseigne qu’elle jouait des brunettes[1] délicieuses sur son épinette dans la chambre de votre ami, M. Fouquet.
— C’est ma foi vrai, et le surintendant lui-même paraissait l’aimer beaucoup. C’est tout simple, il a toujours aimé la musique. Elle chantait aussi bien qu’une fauvette. On va l’enfermer au couvent, dis-tu, mais qu’y faire ?
— C’est vous, monsieur le comte, qui me demandez cela ?
— Barailles, mon cher Barailles, reprit Lauzun, je suis marié. Merci de ton histoire, va la conter de ce pas à Richelieu ou à Grammont, ne me tente point.
Et Lauzun se mit à lire à Barailles une lettre de Mademoiselle, véritable morceau d’éloquence où la jalouse princesse lui reprochait de songer encore à des folies. Elle le menaçait, en guise de péroraison conjugale, de lui fermer tout accès dans ses finances, s’il lui arrivait le moindre rapport contre lui.
— Cette pauvre princesse ! reprit Barailles ; je crois, Dieu me pardonne, que ce veuvage forcé lui a tourné la cer-
- ↑ Chansons du temps.