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DES DÉLITS ET DES PEINES.

entrer dans l’âme qu’avec la crainte d’être pris et convaincu, du crime : la rigueur de la peine est évidemment indifférente, si son application n’est pas au moins probable. Qu’importe cette rigueur à qui espère se dérober à la justice ? Que fait la roue ou le feu à l’assassin ou à l’incendiaire, qui compte avant tout qu’il ne sera pas arrêté ? Mais la crainte d’être arrêté et convaincu, si elle est pressante, suffit pour détourner du crime, dût-il n’être suivi d’aucune autre peine que la privation des profits qu’on en attendait.

Il est d’expérience qu’on ne se détermine à une action pénible que par l’espérance d’en tirer un avantage. L’espérance manquant, on ne ferait donc pas cette action ; donc, pour peu qu’au défaut d’espérance se joigne une raison de craindre un dommage quelconque, il y a dans l’âme plus de motifs qu’il ne faut pour la détourner de cette action. Or, une action criminelle, pour l’ordinaire, est au moins une action pénible, quelquefois périlleuse. Donc, pour commettre un crime, il faut l’espérance d’un profit, et la non-appréhension d’un dommage. Donc, lorsqu’un scélérat commet une action criminelle, il est clair qu’il part de la supposition qu’il ne sera point découvert. Donc, la peine qu’il aurait à endurer s’il était découvert, n’entre pour rien dans ses calculs. Donc, il est inutile que cette peine soit excessive. Donc, si vous avez une police si exacte que l’espérance du profit ne puisse trouver accès dans