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DES DÉLITS ET DES PEINES.

Les effets du châtiment qui suit le crime, doivent être généralement frappans et sensibles pour ceux qui en sont les témoins ; mais est-il besoin que ce châtiment soit si cruel pour celui qui le souffre ? Quand les hommes se sont réunis en société, ils n’ont voulu s’assujettir qu’aux moindres maux possibles ; et il n’y a point de nation qui puisse nier ce principe incontestable.

J’ai dit que la promptitude de la peine est utile ; et il est certain que moins il s’écoulera de temps entre le délit et la peine, plus les esprits seront pénétrés de cette idée, qu’il n’y a point de crime sans châtiment ; plus ils s’habitueront à considérer le crime comme

    qui dévorent les cadavres dans leurs tombeaux, nourris à peine de quelques substances grossières distribuées avec épargne, sans cesse consternés des plaintes de leurs malheureux compagnons et des menaces d’un impitoyable gardien, moins effrayés du supplice que tourmentés de son attente ; dans ce long martyre de tous leurs sens, ils appellent une mort, plus douce que leur vie infortunée. Si ces hommes sont coupables, ils sont encore dignes de pitié ; et le magistrat qui diffère leur jugement, est manifestement injuste à leur égard… Mais si ces hommes sont innocens… » (Servan, Discours sur l’administration de la justice criminelle.)