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DES DÉLITS ET DES PEINES

n’ayant pas à redouter une plus grande peine pour le forfait le plus monstrueux, s’y décidera aussi facilement qu’à un délit plus léger qui lui serait moins avantageux ; et la distribution inégale des peines produira cette contradiction aussi peu remarquée que fréquente, que les lois auront à punir les crimes qu’elles auront fait naître.

Si l’on établit un même châtiment, la peine de mort, par exemple, pour celui qui tue un faisan et pour celui qui tue un homme, ou qui falsifie un écrit important, on ne fera bientôt plus aucune différence entre ces délits ; on détruira dans le cœur de l’homme les sentimens moraux, ouvrage de beaucoup de siècles, cimenté par des flots de sang, établi avec lenteur à travers mille obstacles, édifice qu’on n’a pu élever qu’avec le secours des plus sublimes motifs et l’appareil des formalités les plus solennelles.

Ce serait en vain qu’on tenterait de prévenir tous les désordres qui naissent de la fermentation continuelle des passions humaines ; ces désordres croissent en raison de la population et du choc des intérêts particuliers, qu’il est impossible de diriger en droite ligne vers le bien public. On ne peut prouver