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SUPP. AU CHAP. XXX.

ce pas commettre un véritable assassinat ? Et, comme le dit l’écrivain français, doit-on punir un délit contre la société, par un crime contre la nature ?

C’est la société qui a créé le superflu ; des lois simples et douces suffiraient pour garantir l’absolu nécessaire. Sans aucune espèce de loi, par la seule crainte de représailles, le sauvage jouit en paix de son arc, de sa hache et de son habit de peaux.

Lorsqu’en vertu des premières lois une partie de la société devint riche et puissante, cette inégalité nécessita des lois plus sévères, et les propriétés furent protégées aux dépens de l’humanité. Tels sont les principes de l’abus des pouvoirs et de la tyrannie. Si l’on eût dit au Sauvage, avant qu’il entrât dans la société : « votre voisin pourra devenir possesseur d’une centaine de daims ; mais si votre frère, votre fils, ou vous-même, ne possédant rien du tout, et pressés par la faim, vous avisez de tuer un seul de ces animaux, une mort infâme sera la suite d’une pareille action ; » il est probable que le Sauvage eût préféré la liberté naturelle et le droit commun de tuer des daims, à tous les avantages de la société qu’on aurait pu lui offrir.

Je lis dans les derniers papiers-nouvelles de Londres, qu’une femme est condamnée à mort à l’Old Bailey, parce qu’elle a volé quatorze schellings et trois pences de gaze dans une boutique : or y a-t-il aucune proportion entre le tort fait par un vol de quatorze schellings, et le supplice d’une mal-