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CHAPITRE XXXII.

avec moins de rigueur. Sur quels motifs barbares osera-t-on le plonger dans les cachots ; le priver du seul bien qui lui reste dans sa misère, la liberté ; le confondre avec les criminels, et le forcer à se repentir d’avoir été honnête homme ? Il vivait tranquille, à l’abri de sa probité, et comptait sur la protection des lois. S’il les a violées, c’est qu’il n’était pas en son pouvoir de se conformer exactement à ces lois sévères, que la puissance et l’avidité insensible ont imposées, et que le pauvre a reçues, séduit par cette espérance qui subsiste toujours dans le cœur de l’homme, et qui lui fait croire que tous les événemens heureux seront pour lui, et tous les malheurs pour les autres.

La crainte d’être offensé l’emporte généralement dans l’âme sur la volonté de nuire ; et les hommes, en se livrant à leurs premières impressions, aiment les lois cruelles, quoiqu’il soit de leur intérêt de vivre sous des lois douces, puisqu’ils y sont eux-mêmes soumis.

Mais revenons au banqueroutier de bonne foi : qu’on ne le décharge de sa dette qu’après qu’il l’aura entièrement acquittée ; qu’on lui refuse le droit de se soustraire à ses créanciers sans leur consentement, et la liberté de