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DES DÉLITS ET DES PEINES.

un amour invincible de votre être, et le droit inaliénable de vous défendre ; mais je veux créer en vous un sentiment tout contraire ; je veux vous inspirer une haine héroïque de vous-mêmes ; je vous ordonne de devenir vos propres accusateurs, de dire enfin la vérité au milieu des tortures qui briseront vos os et déchireront vos muscles… »

Cet infâme moyen de découvrir la vérité est un monument de la barbare législation de nos pères, qui honoraient du nom de Jugemens de Dieu, les épreuves du feu, celles de l’eau bouillante, et le sort incertain des combats. Ils s’imaginaient, dans un orgueil stupide, que Dieu, sans cesse occupé des querelles humaines, interrompait à chaque instant le cours éternel de la nature, pour juger des procès absurdes ou frivoles[1].

  1. Voici la traduction littérale de ce passage, que Voltaire trouvait trop métaphysique :

    « Cet infâme moyen de découvrir la vérité est un monument de la barbare législation de nos pères, qui honoraient les épreuves du feu, celles de l’eau bouillante, et le sort incertain des combats du nom de Jugemens de Dieu : comme si les anneaux de cette chaîne éternelle, dont l’origine est dans le sein de