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VATHEK,

de Cocknos55. Mais Gulchenrouz, niché, à son ordinaire, dans le sein de Nouronihar, fermoit ses petites lèvres vermeilles lorsque Sutlemémé lui présentoit quelque chose. Il ne vouloit rien recevoir que de la main de sa cousine, & s’attachoit à sa bouche comme une abeille qui s’enivre du suc des fleurs.

Pendant l’allégresse, qui étoit générale, on vit une lumière sur la cîme de la plus haute montagne. Cette lumière répandoit une clarté douce, & on l’auroit prise pour celle de la lune en son plein, si cet astre n’eût pas été sur l’horison. Ce spectacle causa une émotion générale ; on s’épuisoit en conjectures. Ce ne pouvoit pas être l’effet d’un embrasement, car la lumière étoit claire & bleuâtre. Jamais on n’avoit vu de météore d’un tel coloris, ni de cette grandeur. Un moment, cette étrange clarté devenoit pâle ; un instant après, elle se ranimoit. D’abord, on la crut fixée sur le pic du rocher ; tout-à-coup, elle le quitta & étincela dans un bois touffu de palmiers ; de là, se portant le long des torrens, elle s’arrêta enfin à l’entrée d’un vallon étroit & ténébreux. Gulchenrouz, dont le cœur frissonnoit à tout ce qui étoit imprévu & extraordinaire, trembloit de peur. Il tiroit Nouronihar par sa robe, & la