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VATHEK,

On alloit poser sur leurs têtes deux couronnes de jasmin, leur fleur favorite, lorsque le Calife, qui venoit d’apprendre cet évènement tragique, arriva. Il étoit aussi pâle & hagard, que les Goules qui errent la nuit dans les sépulcres. Dans cette circonstance, il s’oublia lui-même & le monde entier ; il se précipita au milieu des esclaves, se prosterna au pied de l’estrade, & se frappant la poitrine, il se qualifioit d’atroce meurtrier, & faisoit mille imprécations contre lui-même. Mais lorsque d’une main tremblante, il eut levé le voile qui couvroit le visage blême de Nouronihar, il jetta un grand cri, & tomba comme mort. Le chef des eunuques fit d’horribles grimaces, & l’emporta sur le champ, en disant : je l’avois bien prévu que Nouronihar lui joueroit quelque mauvais tour.

Dès que le Calife fut éloigné, l’Emir commença les cercueils, & fit défendre l’entrée du harem. On ferma toutes les fenêtres ; on brisa tous les instrumens de musique, & les Imans commencèrent à réciter des prières. Les pleurs & les lamentations redoublèrent dans la soirée qui suivit ce jour lugubre. Quant à Vathek, il gémissoit en silence. On avoit été obligé d’assoupir les convulsions de sa rage & de sa douleur, en lui donnant des remèdes calmans.