Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
VATHEK,

rêver. Ah ! Seigneur, s’écria-t-il en reculant dix pas, & mettant sa main devant ses yeux : est-ce que vous déterrez les morts ? Faites-vous aussi le métier de Goule ? Mais n’espérez pas de manger cette Nouronihar ; après ce qu’elle m’a fait souffrir, elle sera assez méchante pour vous manger vous-même.

Cesse de faire l’imbécille, dit Vathek ; tu seras bientôt convaincu que celle que je tiens dans mes bras, est Nouronihar, bien fraîche & très-vivante. Va faire dresser mes tentes dans une vallée que j’ai remarquée ici près ; je veux y fixer mon habitation avec cette belle tulipe dont je ranimerai les couleurs. Fais en sorte de nous pourvoir de tout ce qu’il faut pour mener une vie voluptueuse jusqu’à nouvel ordre.

Les nouvelles d’un incident aussi fâcheux parvinrent bientôt aux oreilles de l’Emir. Au désepoir de ce que son stratagême n’avoit pas réussi, il s’abandonna à la douleur, & se barbouilla duement le visage avec de la cendre ; ses fidèles barbons en firent autant, & son palais tomba dans un affreux désordre. Tout étoit négligé ; on ne recevoit plus les voyageurs, on ne faisoit plus d’emplâtres ; & à la place de l’activité charitable qui régnoit dans cet asyle, ceux qui l’habitoient