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VATHEK,

sans autre cérémonie. Vathek étoit au bain avec Nouronihar ; il écoutoit des contes & se moquoit de Bababalouk qui les faisoit. Alarmé par les cris de ses gardes, il sauta hors de l’eau ; mais il y rentra bien vîte lorsqu’il vit paroître Carathis : elle avançoit avec ses négresses & toujours montée sur Alboufaki, & mettoit en pièces les mousselines & les fines portières du pavillon. À cette apparition subite, Nouronihar, qui n’étoit pas toujours sans remords, crut que le moment de la vengeance céleste étoit arrivé, & se colla amoureusement contre le Calife. Alors Carathis, sans descendre de son chameau, & écumante de rage au spectacle qui s’offroit à sa chaste vue, éclata sans ménagement. Monstre à deux têtes & à quatre jambes, s’écria-t-elle, que signifie tout ce bel entortillage ? N’as-tu pas honte d’empoigner ce tendron au lieu des sceptres des sultans préadamites ? C’est donc pour cette gueuse que tu as sollement manqué aux conditions du Giaour ? C’est avec elle que tu consumes des momens précieux ? Est-ce là le fruit que tu retires des belles connoissances que je t’ai données ? Est-ce ici le but de ton voyage ? Arrache-toi des bras de cette petite niaise ; noye-la dans l’eau, & suis mois.