Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/44

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on portoit aux nues la bonté d’un Prince qui se mettoit tout nud pour amuser ses sujets, & encourager la jeunesse. Cependant le Calife se déshabillant peu-à-peu, & élevant le bras aussi haut qu’il pouvoit, faisoit briller chacun des prix ; mais tandis que d’une main il le donnoit à l’enfant qui se hâtoit de le recevoir, de l’autre il le poussoit dans le gouffre, où le Giaour toujours grommelant, répétoit sans cesse, encore ! encore !

Cet horrible manège étoit si rapide, que l’enfant qui accouroit ne pouvoit pas se douter du sort de ceux qui l’avoient précédé ; & quant aux spectateurs, l’obscurité & la distance les empêchoient de voir. Enfin, Vathek ayant ainsi précipité la cinquantième victime, crut que le Giaour viendroit le prendre & lui présenter la clef d’or. Déjà il s’imaginoit être aussi grand que Suleïman, & n’avoir aucun compte à rendre, lorsque la crevasse se ferma à sa grande surprise, & qu’il sentit sous ses pas la terre ferme comme à l’ordinaire. Sa rage & son désespoir ne peuvent s’exprimer. Il maudissoit la perfidie de l’Indien ; il l’appelloit des noms les plus infâmes, & frappoit du pied comme pour en être entendu. Il se démena ainsi jusqu’à ce qu’étant épuisé, il tomba par terre comme s’il avoit perdu le sentiment.