Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
VATHEK,

tête, semble ne faire attention qu’aux gracieux replis de sa robe ? Avec quelle jolie petite impatience elle dispute son voile aux buissons ! Seroit-ce elle qui m’a jetté les jasmins ? Oh ! c’est bien elle, répondit Bababalouk, & elle seroit fille à vous jetter vous-même du rocher en bas ; je la reconnois : c’est ma bonne amie Nouronihar, qui m’a si joliment prêté son escarpolette. Allons, mon cher seigneur & maître, continua-t-il, en rompant une branché de saule, permettez-moi de l’aller fustiger pour vous avoir manqué de respect. L’Emir ne sauroit s’en plaindre ; car, sauf ce que je dois à sa piété, il a grand tort de tenir un troupeau de demoiselles sur les montagnes ; l’air vif donne trop d’activité aux pensées.

Paix, blasphémateur, dit le Calife ; ne parle pas ainsi de celle qui entraîne mon cœur sur ces montagnes. Fais plutôt que mes yeux se fixent sur les siens, & que je puisse respirer sa douce haleine. Avec quelle grace & quelle légéreté elle court palpitant dans ces lieux champêtres ! En disant ces mots, Vathek étendit ses bras vers la colline, & levant les yeux avec une agitation qu’il n’avoit jamais sentie, il cherchoit à ne pas perdre de vue celle qui l’avoit déjà captivé. Mais sa course étoit aussi difficile à suivre que le vol