Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/126

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se choque pas de différences qui, pour des contemporains, eussent été monstrueuses. C'est ainsi qu'en 1878, à la Comédie-Française, on a repris le Misanthrope avec les costumes faits en 1837 pour une représentation de gala à Versailles et qui sont à la mode de la minorité de Louis XIV, bien que le Misanthrope, qui date de 1666, eût toujours été joué jusqu'alors en habits carrés de la seconde moitié du siècle. Nous, hommes du XIXe siècle, qui nous piquons d'exactitude, souvent plus que de raison, en sommes-nous choqués? Et d'ailleurs, combien de spectateurs songent à comparer la date des costumes avec celle de la pièce? La plupart ignorent sans doute que les costumes du Misanthrope peuvent faire question.

Mais bien mieux, pendant qu'à la Comédie-Française, on joue le Misanthrope en manteaux courts, on continue à le jouer à l'Odéon en habits carrés. Toutefois, comme l'exemple est contagieux, un des acteurs a eu l'idée de jouer le rôle d'Acaste en manteau, comme rue de Richelieu, tandis que tous les autres personnages conservent l'habit carré. Or, bien peu de spectateurs s'aperçoivent de ce qu'il y a de disparate dans ce mélange de modes qui ne sont point de la même époque. Cependant, nous serions choqués si on introduisait dans une comédie contemporaine en habits noirs un personnage habillé à la mode de 1830. C'est qu'avec le temps, on ne s'attache qu'aux caractères généraux et qu'on néglige les différences, pourtant considérables, qui naissent de la comparaison des traits particuliers.