Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/32

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une certaine modestie, et comme poussé par la force de ses convictions :

« Il ne convient guère de se louer soi-même ; mais je le dis parce que c’est la pure vérité. Je passe pour amener au marché les plus beaux troupeaux de nègres, — du moins on me l’a dit, non pas une fois, mais cent, — tous articles en bon état — gras, dispos ! je perds aussi peu d’hommes que n’importe lequel de mes confrères, — et cela, grâce à ma manière de procéder. Je m’en vante, monsieur, l’humanité est mon fort, la clef de voûte de mes opérations.

M. Shelby, ne sachant que dire, murmura : « En vérité !

— Eh bien ! on s’est moqué de mes principes, monsieur ; on m’en raille : ils ne sont pas populaires ; mais j’y ai tenu, j’y tiens, et j’y tiendrai ; d’autant plus que j’ai réalisé par eux d’assez beaux bénéfices ; ils ont payé leur fret, intérêt et capital, monsieur ! » Le marchand se mit à rire de sa plaisanterie.

Il y avait quelque chose de si piquant, de si original dans ces commentaires sur l’humanité, que M. Shelby ne put s’empêcher de rire de compagnie. Peut-être riez-vous aussi, ami lecteur ? mais vous savez que l’humanité revêt de nos jours des formes si étranges et si diverses, qu’il n’y a point de terme aux étrangetés que se permettent de dire et de faire ceux qui se prétendent humains.

Le rire de M. Shelby encouragea le marchand d’hommes.

« C’est singulier, poursuivit-il, je n’ai jamais pu faire entrer mes idées dans la tête des gens. Par exemple, Tom Loker, mon ancien associé, là-bas, à Natchez. C’était un habile homme, mais un vrai démon avec les nègres. Affaire de principe, voyez-vous ! car jamais un meilleur garçon ne mangea le pain du bon Dieu. C’était son système, monsieur. Je lui disais souvent : « Tom, quand les filles se mettent à pleurer, à quoi sert de les frapper si fort sur la tête, de les assommer à coup de poing