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CHAPITRE IV.

Le marchand d’esclaves et M. Shelby étaient de nouveau assis dans la salle à manger, devant une table couverte de papiers. Le premier comptait des liasses de billets de banque, et les poussait à mesure vers le marchand, qui les recomptait à son tour.

« C’est juste, dit l’homme ; maintenant, signez-moi cela. »

M. Shelby tira les contrats de vente à lui, et les signa comme un homme qui dépêche une besogne désagréable, puis il les repoussa de l’autre côté de la table avec l’argent. Haley sortit alors de sa valise un parchemin, et, après l’avoir parcouru des yeux, il le tendit à M. Shelby, qui s’en saisit avec un empressement à demi réprimé.

« Eh bien, voilà qui est fait et fini, dit le trafiquant en se levant.

— Oui, fait et fini, reprit M. Shelby d’un ton pensif.

Il respira péniblement, et répéta : fini…

— Vous n’en avez pas l’air charmé, dit le marchand.

— Haley, vous vous rappellerez, j’espère, que vous m’avez promis, sur l’honneur, de ne pas vendre Tom sans savoir dans quelles mains il tombera.

— Vous venez bien de le vendre, vous ?

— Les circonstances, vous le savez trop bien, m’y obligeaient, dit M. Shelby avec hauteur.

— Et elles peuvent m’y obliger aussi, moi, reprit le marchand. C’est égal, je ferai de mon mieux pour trouver une bonne niche à Tom. Quant à le maltraiter, vous n’avez que faire de craindre, Dieu merci, par goût, je ne suis pas cruel. »

L’exposition qu’il avait déjà faite de ses principes d’humanité n’était pas des plus rassurantes ; mais comme le cas ne comportait guère d’autre consolation, M. Shelby laissa partir le marchand en silence, et se mit à fumer solitairement son cigare.