Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/63

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noms que ceuls qui l’avoient amené luy bailloient & que i’eu entendu que plusieurs le nommoient un Oudre, les autres un Outre (vray est comme i’ay dict, que generalement le cõmun populaire le nommoient Marsouin) & sachant bien que une Oudre tient l’appellation d’un vaisseau a contenir de l’eaue ou du vin : & aussi que Orca tient le nom d’un vaisseau en Latin signifiãt quasi la mesme chose que faict une Oudre, il ne m’a esté trop difficile de luy trouver une appellation antique : veu mesmement que la propre appellation françoise me l’a enseigné. Ie l’avoye descript ignorant son nom ancien : & n’ay rien adiousté depuis en la description, sinon ce mot Orca : a fin que si ie failloye en le nommãt de ce nom ancien, sa description demeure entiere, pour celuy auquel il appartiendra. Toutes les notes de ce poisson me confortẽt a le nommer Orca, il fut ainsi nommé des anciẽs, pource qu’il ressembloit a un long vase, que les anciens nommoyent Orca, lequel avoit deux bouts, ou extremitez estroictes, & estoit gros & rond par le milieu. Voila quant a la description du vase, dont il ha gaigné ce nom. Mais quant a la description du dict poisson recitee par les anciens, ie trouve aussi qu’elle soit correspondante en toutes merques a l’Oudre. Car Pline dict qu’il ne peult estre proprement representé ou descript sinõ d’une grosse masse de chair aiant cruelles dents : & que son eschine est comme le dos d’un bateau renversé monstrant la carenne. Et qu’un tel poisson fut veu au port d’Ostie a la bouche du Tybre : & qu’il fut cõbatu par l’Empereur Claudius, qui estoit lors a Ostie pour y faire edifier le port. Maintenant l’on peult iuger, que les medalles de Claudius Cæsar, esquelles il feist portraire un Neptune assis dessus un poisson tenant un trident en la main, aient une Orque ou Oudre, & que ce ne soit pas un Daulphin qu’on y veoit portraict : aussi la peincture retire plus a une Oudre qu’a un Daulphin. Ce poisson, dict Pline, avoit suivy des cuirs d’ũ navire qui venoit des Gaulles qui s’estoit peri, & desquels s’estãt repeu plusieurs iours a Ostie, il s’estoit faict un canal dedẽs le sable, ou seillõ dõt il ne pouvoit sortir, ne retourner en la mer : & ainsi deiecté au rivage, il demeura a sec, & luy apparoissoit seulemẽt le dos cõme la carẽne d’un bateau renversé, & que les souldards de l’Empereur luy coururent sus avec leurs picques & le tuerent, & qu’il en feist celle fois un