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GRANDGOUJON

Des ouvriers passaient ; frappés par le ton des paroles, ils s’approchèrent. Grandgoujon avait retrouvé des couleurs et avec dépit :

— Elle est raide ! Alors me voilà avec un chat moi, maintenant !

Puis, rageur :

— Je suis idiot : ce n’est pas parce qu’il est tombé sur moi !…

Il le déposa par terre.

— Oh ! je le laisserai bien là aussi, fit la concierge, avec un geste détaché.

Les ouvriers étaient goguenards.

— Dieu de Dieu ! Quelle époque ! s’écria Grandgoujon, qui postillonnait de colère. Quelle muflerie partout ! Quelle…

Il saisit le chat par la peau du dos, et il l’emporta.

Les ouvriers le suivirent ; comme l’un ricanait, Grandgoujon se retourna :

— Vous dites ?

— On vous parle pas…

— Vous faites bien, reprit Grandgoujon d’une voix mauvaise, parce que je ne tolérerai pas, aujourd’hui, qu’on se paye ma tête !

Il avait suffi d’un chat pour changer sa stupeur en rage. « Ah ! on le faisait marcher comme un toton !… Mais il n’était pas bon de sa nature : avant de mourir, il saurait mordre, tel un chien enragé ! » Et ainsi, dans sa grosse tête débonnaire, il lui passait des idées excessives et des images dramatiques, dont il était vibrant.

Il rabattit son képi sur son nez, puis il souffla