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GRANDGOUJON

Tout à coup, comme il revenait vers son train, il vit le mécanicien ouvrir une barrière, près de la prise d’eau. « Psitt, fit-il, on peut aller avec vous ? »

— Viens, mon gars, j’vas chercher du pinard, dit l’autre.

Et ils sortirent.

La voix du gendarme retentit :

— Qu’est-ce que… ? Je vous ordonne de rentrer !

Mais le gendarme, maintenant, se trouvait de l’autre côté d’une barrière qu’il essayait en vain de franchir : « Sacré Dié d’bon Dié ! » ; et sa colère était telle que celle de Grandgoujon se refroidit ; il eut un recul, puis de loin il répéta doucement :

— Je vous dis que j’ai de la famille en ville…

Le gendarme écumait :

— Rentrez !

— Mon Dieu ! bredouilla Grandgoujon… au lieu de s’arranger…

— Si vous ne rentrez pas…

— Pourquoi nous traiter comme des sauvages ? fit Grandgoujon.

Une montée de bile l’étouffa de nouveau ; il s’étranglait ; puis, obstiné, il s’éloigna, tandis que le gendarme râlait :

— J’vous aurai, vous ! J’vous aurai !

Le mécanicien lui glissa :

— Mon gars, c’est toi qui l’as, puis comment !

— Oui, mais… balbutia Grandgoujon détendu, pour rentrer ?

— La même porte.