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GRANDGOUJON

inutations n’était qu’un besoin d’agir et de penser sous les yeux de ses amis.

Aussi, dès qu’il eut convenu de dîner, il s’attendrit puis s’excusa, demanda du papier, de l’encre, une plume, et il se trémoussa contre un guéridon, répétant : « Dieu de Dieu ! Je n’arriverai jamais ! »

C’était l’action.

Pendant le repas, Madame Grandgoujon, bonnement, parla de la semaine anglaise et vanta cette condition nouvelle du travail pour chaque samedi. Colomb de froncer les sourcils :

— Méfions-nous.

— De quoi ?

Il baissa la voix :

— Il paraît que la semaine anglaise… c’est boche !

Grandgoujon ajouta :

— Le boucher doit l’être aussi, car voici un beafteack, dont j’ose dire qu’il n’y a pas de quoi s’en fourrer jusqu’aux pattes de derrière.

— Il y en a bien assez ! décida Colomb.

— Oui, reprit Grandgoujon, l’espoir soutient.

— Sans compter, dit sa mère, que j’en ai. Cette nuit j’ai rêvé que tout finirait glorieusement.

Grandgoujon se mit à rire, reconquis par une bonne humeur qui l’épanouissait. Il ouvrit une conserve de compote de fruits. D’un placard il tira des raisins secs, des figues, des pruneaux, des amandes. Il activait l’appétit de Colomb :

— Mange donc, sacré utopiste !