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De Bensseradde.

Sceptres, qui m’éleviez avecque tant de gloire,
Ainſi que de mes mains ſortez de ma memoire :
1255Ce triſte ſouvenir fait mon joug plus peſant,
„ Par le bonheur paſsé croiſt le malheur preſent.
Les deſtins qui jadis craignoient de me déplaire,
À ma proſperité meſurent ma miſere,
Autrement à ce point ils ne changeroient pas,
1260Ma chùte ſeroit moindre en tombant de plus bas :
Aux autres c’eſt un bien de n’avoir point d’Empire,
Parce que j’en perds un, de mes maux c’eſt le pire,
„ De nos felicitez procedent nos malheurs,
„ Et les contentemens font naiſtre les douleurs,
1265„ Souvent une triſteſſe eſt l’effet d’une joye,
La nuit du beau Paris cauſa celle de Troye :
Notre Égypte l’égalle, & la ſurpaſſe encor,
De meſme qu’Ilion elle perd ſon Hector,
L’amour mit cet Empire au point qu’il met le noſtre,
1270Fut le bucher de l’un, la ruine de l’autre.
Mon ſceptre eſtant perdu, mon eſpoir eſtant mort,
À quelle affliction me reſerve le ſort ?
Que me ſert cet éclat, & cette pompe vaine ?
On m’oſte la couronne, & l’on me traite en Reine,
1275D’un ſpecieux reſpect mes malheurs ſont couvers,
Et l’on baiſe la main qui me donne des fers :