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TRAGEDIE.

Il a de l’eloquence, & ſa voix a des charmes,
Mais combattons demain en demandant des armes,
Cognoiſſons leur uſage, & ſi Vulcan les fit,
Ou pour un bon ſoldat, ou pour un bon eſprit.
Il n’eſt pas neceſſaire (illuſtres Capitaines)
Que de mes actions vos oreilles ſoient plaines,
Vous en fuſtes témoins, tout le monde les ſçait,
Et la nuit ſeule a veu tout ce qu’Uliſſe a fait.
La gloire que je veux me doit eſtre aſſuree,
Elle eſt grande, il eſt vray, mais elle eſt meſuree,
Et puis à mon mérite Uliſſe la debat,
Et cette concurrence en avilit l’éclat :
Sa plus ſuperbe gloire eſt un honneur frivolle,
Et d’où s’éleve Ajax, c’eſt là qu’Uliſſe volle.
Quand il n’obtiendra pas les armes qu’il pretend,
Il a deſ-ja ſon prix en me les diſputant :
Et quand j’auray ſur lui remporté la victoire,
Nous aurons combatu, ce ſera là ſa gloire.
Si j’eſtois ſans l’éclat dont je ſuis reveſtu,
La Nobleſſe chez moy tiendroit lieu de vertu,
Les Dieux, Achille, & moi, ſommes de meſme race,
Et j’obtiendrois ce bien de naiſſance, ou de grace.
Mais je le haïrois, je le veux meriter,
Et l’avoir comme un prix, non pas en heriter.
Je ſçay l’humeur d’Uliſſe, & voy qu’il apprehende
D’obtenir ſur le champ les armes qu’il demande :