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LE CRABE « VOYÉ ».

chand d’acras, petites fritures dont les jeunes créoles sont si friands. Yette se dit que la pension n’empêchait décidément pas d’avoir bonne mine et de s’amuser.

Un spectacle qui lui parut moins joyeux fut celui que donnent les chiens dans les rues de Saint-Pierre. Les chiens de la Martinique sont tous laids et assez maltraités à la campagne même, mais en ville leur sort est affreux. Ils peuvent le disputer à ceux de Constantinople pour le nombre, la voracité, l’abandon, la mine affamée. On voit parmi eux des ombres de chiens, qui se disputent les débris les plus repoussants. Sur la place Bertin, ils rôdent sans cesse pour lécher le gros sirop filtrant au travers des barriques ou saturé de poussière sur le pavé.

Yette regardait presque avec crainte ces bandes errantes. Un baril de farine vint à se défoncer devant elle, aussitôt les chiens de se bousculer en s’entre-déchirant pour laper la farine sèche.

« S’ils ont faim, dit Yette, pourquoi ne mangent-ils pas cette saucisse qui est tombée là-bas ?

— Oh ! s’écria Max, ils ne sont pas si bêtes ; c’est une de ces saucisses empoisonnées que la police fait semer quelquefois pour en tuer le plus possible, mais les coquins flairent le danger ; il