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PREMIER ACCUEIL.

Elle essaya de lui arracher quelques paroles ; Yette se tut obstinément et passa pour une sotte. Non seulement elle était intimidée au delà de tout ce qu’on pourrait dire, mais l’aspect nouveau des choses la distrayait du babil d’ailleurs insignifiant des personnes au point de lui ôter le peu de présence d’esprit qu’elle eût conservé sans cela. Son regard étonné allait des fleurs du tapis, qui lui rappelaient un jardin, à la cheminée, cet objet qu’elle n’avait jamais vu et dont elle soupçonnait à peine l’usage. La quantité de meubles entassés dans ce salon assez petit lui faisait croire, à elle qui ne connaissait que les chaises de paille et les rocking-chairs en canne épars sur de grands espaces, qu’elle était dans une boutique. La crainte de renverser quelque objet l’empêchait de bouger. Cette contrainte, ces surprises et ces appréhensions lui donnaient une mine fort gauche, presque stupide.

Désespérant de rien obtenir d’elle, Mme Darcey la remit aux mains de Mlle Polymnie sa fille, en chargeant cette dernière de la conduire dans son appartement.

Mlle Polymnie devait son joli nom à un parrain de la Martinique. Les parrains, en ce pays, font volontiers de leurs filleules des Nymphes,